Penseur virtuose, Gilles Deleuze a fasciné toute une génération d'étudiants. Il reste, vingt ans après sa mort, l'un des intellectuels français les plus lus à l'étranger. Il a pourtant ses détracteurs : l'inventeur de la « déterritorialisation » et du « corps sans organes » était parfois abscons. Et guère convaincant sur le terrain politique.

Intellectuel emblématique des années 1970, Gilles Deleuze s'est donné la mort le 4 novembre 1995. Créer fut son maître mot : il n'a cessé de chercher comment libérer la réflexion de tous les carcans pour inventer de nouvelles façons de penser, de sentir et de vivre.

Entrer dans sa pensée, c'est comme pénétrer une jungle luxuriante. Comme autant d'espèces sauvages, les mots et les notions les plus étranges y prolifèrent : ″rhizome″, déterritorialisation″, ″corps sans organes″, ″machines désirantes″, ″devenir-animal″...

Gilles Deleuze a dédié sa vie à une philosophie vivante, brûlante, qu'il a fait descendre dans la rue. Sa joie à échanger et sa pensée ont séduit des milliers d'étudiants à Vincennes et à Saint-Denis à la fin des années 70.

Il y a deux ans, l'auteur de "Mille Plateaux" - son livre préféré - s'était confié à notre collaborateur Didier Eribon. Il évoqua des grandes figures intellectuelles - Sartre, Canguilhem, Lacan et Marx - et aussi les enjeux de son gai travail de philosophe...

Dans cette image affreuse du philosophe vaincu par la faiblesse du corps, efforçons-nous, pour rester fidèle à la pensée, de ne voir qu'un dernier acte d'hérésie, de ne rien entendre que le dernier rire du sorcier qui toujours dit non, pour faire trembler l'ordre du monde.

Le grand philosophe vagabonde du côté de chez Melville, Beckett, Lewis Carroll, Kafka et les autres. Et c'est éblouissant.

Le 4 novembre 1995, le philosophe, malade, se suicidait. Aujourd'hui, ses livres comme "l'Anti-Oedipe" ou "Mille Plateaux" servent de bréviaires à de nouvelles générations d'intellectuels et de militants.