Art brut : l’impossible retour aux sources
Bulletin : Critique 863 - avril 2019
01 avril 2019
Numéros de page :
p.291
L'art brut est à la mode. Jean Dubuffet, l’inventeur du concept, fait l’objet d’une exposition au Mucem de Marseille, "Un barbare en Europe" (24 avril - 2 septembre 2019). A la Halle Saint-Pierre, "l’Art brut japonais II" (septembre 2018 - mars 2019) a connu un franc succès, conduisant sa directrice, Martine Lusardy, à se féliciter « de l’accueil positif réservé à l’art brut au Japon, de la volonté politique d’offrir une meilleure reconnaissance sociale aux handicapés et de la réflexion menée depuis plusieurs années pour protéger des artistes souvent vulnérables ». Le musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne se penche sur la constitution de sa propre collection (jusqu’au 28 avril 2019). L’art brut s’est trouvé un ancêtre en la personne de Georges Focus, « un peintre fou sous Louis XIV », exposé aux Beaux-Arts de Paris puis au musée d’Art et d’Archéologie de Besançon (jusqu’au 9 juin). Même engouement dans l’édition, qu’il s’agisse d’ouvrages issus de thèses sur Dubuffet ou de l’intégration de l’art brut dans la prestigieuse collection « L’Art et les grandes civilisations » de Citadelles & Mazenod. Le cinéma consacre un biopic au facteur Cheval ("L’Incroyable Histoire du facteur Cheval" de Nils Tavernier, avec Jacques Gamblin et Laetitia Casta) et un documentaire au doyen de l’art brut et bricoleur de fusils André Robillard ("André Robillard, en compagnie" d’Henri-François Imbert). Que de chemin parcouru depuis que les créations d’une poignée d’aliénés suscitèrent la curiosité de quelques psychiatres avant d’attirer l’attention de Breton et de Dubuffet ! Wölfli, Aloïse et Darger sont devenus des stars. Ce triomphe posthume est aussi éclatant que paradoxal. D’abord, parce qu’il n’est pas seulement posthume : le nombre d’artistes qu’on assigne à l’art brut ne cesse de croître, et plusieurs revendiquent cette appartenance. Ensuite, parce qu’il est légitime de se demander si la définition de Dubuffet garde tout ou partie de sa pertinence. Dès lors que l’art brut a été rattrapé ou récupéré par l’institution, le marché et le grand public, que reste-t-il de la charge subversive d’un mouvement conçu comme une machine de guerre contre les « arts culturels » ? Cette interrogation motive le présent dossier, qui soumet l’histoire et le statut actuel de l’art brut aux regards croisés de quelques amateurs, dont un collectionneur. Sur le site Cairn : utiliser la navigation article par article pour consulter l'intégralité du dossier.