Avec "Les 2 Alfred", Bruno Podalydès consolide un style et une œuvre épris de fantaisie et de sens du rythme, de dialogues savoureux et de gags potaches . C'est aussi une comédie sentimentale pleine de talent. Le film synthétise enfin des tendances fortes de la comédie contemporaine à la française. Après "Effacer l'historique" de Benoît Delépine et Gustave Kervern (voir no 715, p. 22), puis "Adieu les cons" d'Albert Dupontel (voir no 716, p. 6), "Les 2 Alfred" intègre une dimension sociale et politique qu'on associe plutôt à la comédie « à l'italienne » d'autrefois et qui, dans le cinéma français, traverse surtout de grands films dramatiques (Laurent Cantet, Stéphane Brizé, Ladj Ly) ou le documentaire. Soyons sympa, rembobinons : voilà trois s émergeait l'idée qu'un « nouveau monde » en marche allait métamorphoser l'« ancien monde », conservateur et rétrograde. Au lieu de quoi sont réapparues les mêmes tares qui pervertissaient déjà le travail de l'ouvrier le plus célèbre de l'his toire du cinéma (Chaplin et ses "Temps modernes") et la vie quotidienne des classes moyennes durant les Trentes Glorieuses, dont Tati fut le poétique exégète. Comme par réaction, l'ancrage sociopolitique, l'engagement citoyen, les références cinéphiles arborées étendard sont revenus au fil de tous les entretiens que nous avons menés: avec Podalydès, avec le duo Eric Toledano et Olivier Nakache, qui poursuit un travail artisanal malgré le triomphe d' "Intouchables", ou avec Vincent Macaigne, nouveau visage emblématique de la comédie française. Si les noms des présidents Sarkozy, Hollande et Macron ne sont jamais prononcés, les ravages de trois quinquennats de libéralisme sont identifiés. Rions-en avec eux, nous l'avons bien mérité. Sommaire. Bruno Podalydes, "Les 2 Alfred". Le parti pris des choses ; Une logique preste totalitaire, entretien avec Bruno Podalydès ; Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers), version interminable. Le roman d'apprentissage d'Albert Jeanjean ; Quand la comédie nargue le néolibéralisme, une nostalgie française ; Prendre l'époque en flagrant délit, entretiens avec Eric Toledano et Olivier Nakache ; La comédie est-elle soluble dans les régions ? Je n'aime pas le rire cynique, entretien avec Vincent Macaigne.