John Sayles pour la petite histoire
Bulletin : Cahiers du cinéma octobre 2021
01 octobre 2021
Auteurs
Numéros de page :
pp.86-89
Rares sont les auteurs américains dont les films évitent de donner ce sentiment que les limites du territoire national marquent aussi celles de leur conscience. Comme si, sur ses propres écrans, l'Amérique ne faisait qu'une avec la totalité métaphysique du monde. Filmer l'une, c'est presque toujours filmer l'autre. Le dialogue entre le peuple des Etats-Unis et le reste de l'humanité étant par conséquent sans objet, il est souvent rejeté dans les eaux d'un hors-champ enténébré, comme si le cinéma américain réitérait sans cesse le même aveu : "L'Amérique, je la connais bien, mais c'est tout ce que je connais". Voir un film de John Sayles, c'est au contraire avoir l'impression qu'un honnête citoyen sonde les entrailles de la société qui l'a nourri, empoigne ses grands récits avec un zèle romantique, mais depuis une position relativiste: ses personnages composent un peuple parmi tant d'autres, et il s'agit de le situer sur la carte de la condition humaine en récoltant de petits faits vrais, des micro-destinées, sans froideur entomologique mais avec la compassion de celui qui connaît par coeur les rêves naïfs et les déceptions crues de chaque être habitant cette Amérique redevenue étrangère. L'article se conclut par une interview avec le réalisateur intitulée "Déprimer la légende".
Note Générale : Dossier de 2 articles.