Au IXe siècle déjà, un chroniqueur s'émerveille de la ferveur religieuse qui anime la France médiévale : "On eût dit que le monde lui-même [...] revêtait un blanc manteau d'églises". C'est l'époque bénie des abbayes ; celles où les hommes épris de Dieu se retirent dans la solitude pour inventer un idéal de la vie monastique ; celle où ils traduisen cet amour dans la pierre, le calcaire lumineux ou le granite austère, pour célébrer sur terre la grandeur des Cieux. Architectes inspirés, ils travaillent pour l'éternité. Trésors de l'art roman ou flambeaux de l'art gothique, parfois revisités par les ors du baroque, les abbayes de France ne sont pas uniquement des lieux de mémoire, secrets et sereins. Chaque cloître, chaque voûte conte une histoire. Ici ont vécu et vivent encore des hommes et des femmes. Certains, comme Héloïse et Abélard, ont connu la passion. D'autres, comme Saint Bernard, ont sacrifié au goût du pouvoir. Tous ont contribué à la lente élaboration de notre civilisation, soignant les plaies du corps autant que celles de l'âme, sauvegardant les manuscrits anciens, enrichissant les sols et cultivant la vigne, contribuant à l'évolution des idées et pressentant l'avenir, jusqu'aux violences du futur, la ruine et parfois le regain.