Refusé d'abord par les éditeurs américains, qui crièrent à la provocation et au scandale, Le destin de Mr Crump a connu anant la guerre une aventure comparable à celle qui sera, trente ans plus tard, celle de Lolita, le chef-d'oeuvre de Nabokov. Publié en anglais à Paris en 1926, à tirage limité, puis en français en 1931, avec une préface de Thomas Mann, ce roman violemment dérangeant sous son vernis trompeur ne paraîtra aux Etats-Unis qu'en 1947. Pour beaucoup de lecteurs francophone, cette remise à jour sera une découverte, étant donné que sa carrière en Europe n'a pas été à la mesure de ce que l'on pouvait attendre. À moins que son caractère "insoutenable" (dans tous les sens du terme) n'ait précisément empêché qu'on le lise à l'heure où son auteur l'aurait voulu. Non que le sujet - l'enfer du couple - soit de ceux qui rebute le public, mais parce que le romancier, adepte d'un réalisme cruel, en vient à entraîner le lecteur lui-même dans cette enfer ordinaire... et à l'impliquer, par delà la guerre que se livrent une fois de plus l'homme et la femme, dans cet autre enfer qu'est le terrifiant conformisme mental de notre siècle