Ils sont obsédés par le classement de sortie, mais très critiques sur l'enseignement qu'ils reçoivent. Les élèves de la promotion Willy Brandt se demandent ce que l'on attend d'eux. Malgré tout, ils aiment le service public. Portrait de futurs hauts fonctionnaires encore rebelles

André Santini, secrétaire d'Etat à la fonction publique, commence par supprimer le classement à la sortie de l'Ena. Avant de la réformer plus en profondeur

La discrète mue de la fabrique de la haute fonction publique... ou la souplesse réactive du moule à élites.

Après deux décennies de repli, l'Etat, à la suite notamment de la crise de 2008, est de nouveau l'objet d'attentes fortes et a retrouvé un rôle important dans la conduite de la vie économique. Si certains indicateurs, nombre de candidats à l'ENA, diminution des "pantouflages" témoignent de l'attractivité élevée en France de la haute fonction publique, celle-ci n'en est pas moins confrontée à la disparition des "grandes carrières" mêlant parcours publics et privés et à une interrogation sur le rôle désormais dévolu à ses membres.

Zemmour, Montebourg, Guaino... ils sont restés à la porte de la grande école. Et s'en sont remis, ou pas.

Dans quelques années, cette photo de classe sera sans doute aussi connue que celle de la promotion Voltaire, dont le clan Hollande est issu. Car la cuvée d'énarques 2004 squatte aujourd'hui des dizaines de postes-clés à l'Elysée, à Matignon et dans les ministères. Histoire d'une promotion très politisée, qui faisait déjà parler d'elle sur les bancs de l'ENA.

Amateur de haute montagne, Frédéric Thiriez, l'ancien président de la Ligue de football professionnel, s'est vu confier par Emmanuel Macron une mission de réflexion sur la réforme de l'ENA et la haute fonction publique

Quand ils ont baptisé leur promotion, en janvier 2015, les réseaux sociaux n'ont pas manqué de relever l'ironie. Des élèves de l'Ecole nationale d'administration, futurs rouages de la machine étatique, qui se réclament de l'auteur de "1984"... Eux cherchaient surtout à célébrer la liberté d'expression au lendemain de l'attaque contre "Charlie Hebdo". Alors que leur scolarité s'achève en plein état d'urgence, ils veulent aussi voir dans ce choix l'affirmation de leur esprit critique.

Entretien avec Nathalie Loiseau, directrice de l'ENA.

C'est le 9 octobre 1945 qu'est née l'ENA. Son but : fournir au nouvel Etat issu du second conflit mondial les gestionnaires dont il a besoin pour reconstruire et diriger la république. Cinquante ans plus tard, les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des ambitions des fondateurs ?

La caste des super-diplômés, formés pour le service de l'Etat, s'est emparée de la présidence d'une bonne moitié des 200 premières entreprises françaises. L'élite des hauts fonctionnaires dominait déjà la vie administrative et politique ; elle tient désormais les leviers économiques...

Pétition de la promotion Mandela contre les injustices du classement et la "médiocrité" de la scolarité ; critiques récurrentes contre le conformisme de son enseignement et l'élitisme de son recrutement : l'ENA est dans la tourmente.