Publiée en Italie en 1987, puis en France pour la première fois en 1991, la transcription de plusieurs entretiens entre le poète et romancier Ferdinando Camon et Primo Levi n'a rien perdu de sa pertinence. Ces Conversations permettent en effet au lecteur d'accéder à une synthèse claire de toute la réflexion de Primo Levi sur la Shoah. Avec Ferdinando Camon, il débat notamment de la question de la culpabilité du peuple allemand en réfléchissant au poids du collectif face à une figure telle que Hitler. Puis il établit une distinction entre les prisonniers politiques et les déportés juifs, et évoque les conditions de survie des déportés ainsi que l'influence de l'expérience du camp sur sa propre vie et sur son œuvre. L'importance de la langue, la judéité, l'existence de Dieu et l'État d'Israël constituent les autres sujets de ce livre aussi bref que percutant. Il est à noter que les épreuves de ces Conversations ont été relues et corrigées par Primo Levi seulement quelques semaines avant sa mort.

Dès le début de son séjour dans le camp de Buna-Monwitz, connu aussi sous le nom d'Auschwitz III, Primo Levi se lia d'amitié avec un autre Italien, Alberto, "celui qui savait lutter pour sa survie tout en restant l'ami de tous", pari presque impossible à tenir au sein d'un univers où le mot "humanité" était vidé de son contenu. Pourtant, comme d'autres, il survécut car il savait opposer la dignité à la barbarie. Plus encore : à l'ombre des fours crématoires, il traduisait Dante en français ... La brève et percutante réflexion d'Anne Sizaire consacrée au message de Primo Levi répond à une interrogation essentielle sur ce que devraient être les qualités de l'humanité après Auschwitz. Ce sont celles, bien sûr, de l'écrivain tragiquement disparu voici une dizaine d'années : la lucidité, une indéracinable capacité de bienveillance en dépit du pire, et la vigilance, aussi. Le Monde - E R

« C'est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau : c'est le noyau de ce que nous avons à dire. » Primo Levi (1919-1987) n'examine pas son expérience des camps nazis comme un accident de l'histoire, mais comme un événement exemplaire qui permet de comprendre jusqu'où peut aller l'homme dans le rôle du bourreau ou dans celui de la victime. Quelles sont les structures d'un système autoritaire et quelles sont les techniques pour anéantir la personnalité d'un individu ? Quel rapport sera créé entre les oppresseurs et les opprimés ? Comment se crée et se construit un monstre ? Est-il possible de comprendre de l'intérieur la logique de la machine de l'extermination ? Est-il possible de se révolter contre elle ? Primo Levi ne se borne pas à décrire les aspects des camps qui restaient obscurs jusqu'aujourd'hui, mais dresse un bilan pour lutter contre l'accoutumance à la dégradation de l'humain.

A la faveur d'une approche anthropologique des comportements en vigueur dans les camps nazis, l'auteur insiste notamment sur la différence entre l'oeuvre du témoin et celle de l'écrivain.