Le sens de notre existence n'est jamais univoque. Joseph Mankiewicz a fait de ce postulat une esthétique cinématographique. A l'aide de scènes récurrentes, il établit les codes du double en détournant systématiquement objets et personnages de leur signification initiale. Le spectateur les identifie de film en film. Mais cette reconnaissance est elle-même remise en question dans un mouvement pendulaire entre similitudes et différences, qui s'accélère jusqu'à se briser. Nous cherchons alors un sens à la diégèse et nous plaçons ainsi au coeur d'une relation duale créateur/spectateur. Notre interprétation, égarée par le cinéaste, modifiée par notre perception du temps, prend enfin un sens : l'art de Mankiewicz se définit par ce qu'il n'est pas. Cette intuition renouvelle à la fois le plaisir de la reconnaissance et celui de la reconstruction. C'est à ce point de jonction fragile que s'épanouit la maîtrise du réalisateur.