Fabius, Hervé, Dufoix : les trois ministres poursuivis dans l'affaire du sang contaminé seront devant leurs juges le 1er février. Comment ces derniers ont-ils été choisis ? Qui sont-ils pour statuer sur le principe de la décision politique ? Coulisses d'un procès comme la France n'en avait jamais connu.

Une procédure-fleuve, suivie, au début de ce mois, d'un arrêt de la Cour de Cassation favorable à la défense, et brusquement les magistrats frappent : Fabius, Dufoix et Hervé seront déférés devant la Cour de Justice. Histoire d'une valse-hésitation.

Chauvinisme ? Crainte de voir leurs rivaux américains tirer tout le bénéfice de leurs découvertes ? Voici comment des médecins et chercheurs français, qui furent les premiers à ouvrir les yeux sur la menace du sida, ont participé à la plus aveugle des politiques.

Le retard dans la mise en place des tests de dépistage, en 1985, s'explique-t-il par le souci des responsables de la santé publique de préserver les intérêts de Diagnostics Pasteur ?...

Les scientifiques qui se sont mobilisés en faveur des responsables du CNTS condamnés en 1993 ont la mémoire courte : tous les arguments aujourd'hui avancés ont été abondamment développés au procès. Et l'on chercherait vainement dans la lettre ouverte au président de la République un élément qui justifie qu'on passe l'éponge.

Plusieurs témoignages ont tordu le cou à la thèse des "connaissances scientifiques insuffisantes" rabâchée par la défense des inculpés pendant les trois premières semaines de débats.

Des millions d'Allemands, horrifiés, découvrent que, même chez eux, ceux qui font commerce de l'or rouge sont parfois capables, pour gagner quelques sous, de négliger les précautions, de fouler aux pieds tous les principes.

Le non-lieu prononcé par la Cour de Cassation dans le volet non ministériel du dossier scandalise les victimes.

Sur le terrain de l'information, le chercheur a l'avantage, contrairement au journaliste, de ne pas être soumis à la pression du quotidien, et de disposer ainsi du recul nécessaire par rapport à des données qui sont, certes incontournables, mais sujettes à des interprétations multiples.

Rien n'est plus cruel que le malheur des victimes. Rien n'est plus nécessaire que la prise en compte de leurs souffrances par la collectivité nationale. Rien n'est plus précieux, cependant, dans une démocratie, que le respect des principes de justice.