Il serait sans doute curieux de suggérer, comme cadeaux de fin d’année, des ouvrages consacrés aux terribles inondations de juillet 2021 en Wallonie, dans la vallée de la Vesdre plus particulièrement. Et pourtant, la « trêve des confiseurs », avec ses temps de retrouvailles et de loisirs, pourrait être un moment de réflexion à (relative) distance de cet épisode tragique qui dépasse de loin le « fait divers ».
Qui dit « réflexion », dit en effet « reflet », « effet miroir », donc regard dans le rétroviseur…Deux livres parus cette année peuvent nous y aider.
D’abord, Vesdre de Luc Baba qui vivant au bord de la rivière, a été témoin direct du désastre. Son propos d’écrivain (auteur d’une quinzaine de livres) n’est pas de recenser, de documenter un dossier mais de mettre des mots qui suivent au plus près les femmes et les hommes cernés par les flots. « D’abord il rappelle le plaisir des personnes qui vivent en compagnie de l’eau, qui s’endorment et se réveillent avec son murmure à l’oreille (…) et qui savent que quelquefois, elle grogne, monte jusqu’à un point donné, puis se retire. Mais cette fois, c’est différent, elle ne s’arrête pas, tous les points de repère sont effacés, il n’y a plus d’électricité, les téléphones sont déchargés, chacun est seul chez soi, sans plus aucun contact direct autre que des visages aux fenêtres. Dans les flots passent des voitures, des objets, des animaux, des arbres. Dans l’esprit de ceux et celles qui attendent, des images défilent, les visages des parents et amis, la crainte du pire, des lambeaux de prières, des souvenirs qui se bousculent. On est sous le toit et on sait que ce qui est en-dessous est déjà perdu, le puzzle qu’on a commencé, la photo encadrée, les livres et les choses que l’on aime. Et on pense à l’après ». (Thierry Detienne dans « Le Carnet et les Instants »)
Luc Baba, Vesdre, Arbre à paroles, 2022, 123 p.
L’approche de Juillet 2021.Toujours l’eau de Françoise Deprez et Caroline Lamarche – un livre qui a fait l’objet d’une exposition à la Cité Miroir de Liège - est très différente mais en quelque sorte complémentaire. Vivre avec l’eau, pour les habitants des vallées, c’était une évidence. Sa force motrice, sa rumeur fraîche, ses nuances saisonnières. Sauf que « cette eau-là, ce n’était pas la même. » Un cauchemar, un monstre, un tsunami… Les mots font défaut pour dire l’épouvante face aux terribles inondations de juillet 2021. La solidarité a été à la mesure de la peine : immense, durable, bouleversante. « Il n’y a pas une histoire plus pénible que l’autre, elles le sont toutes. Et on est tous courageux. » Parole d’une victime devenue un pilier de l’entraide.
Comme d’autres ont chaussé leurs bottes, déblayé, amené des vivres, des vêtements, de l’électro-ménager, Françoise Deprez et Caroline Lamarche ont pris leurs outils – le regard et l’objectif photographique, l’oreille et la plume pour les récits – et ont rejoint les vallées dévastées à l’heure où s’installait, dans des logements toujours impraticables, un silencieux et triste hiver. Une déambulation poursuivie jusqu’à l’été avec la conscience que si l’on est détruit par le malheur, on peut l’être encore davantage par l’indifférence ou l’oubli. Ce livre rend hommage au courage des populations sinistrées mais aussi comme témoignage d’une solidarité citoyenne impressionnante.
Toujours l'eau
Françoise Deprez et Caroline Lamarche, Juillet 2021. Toujours l’eau, Editions du Caïd, 190 p.
A noter qu’une rencontre avec les deux autrices, la photographe Françoise Deprez et l’écrivaine Caroline Lamarche, est organisée à la Bibliothèque des Chiroux le jeudi 8 décembre à 18h.