Le déploiement contemporain de la littérature dite personnelle appelle un changement de point de vue, quant à l'entrecroisement de la psychanalyse et de la littérature. Dans le même temps, les psychanalystes sont de plus en plus nombreux à reconsidérer leur rapport au champ littéraire, à partir des questions nées de leur propre pratique de l'écriture. Littéraires et psychanalystes se trouvent ainsi engagés, davantage et autrement, à faire travailler ensemble leurs interrogations ; et particulièrement les plus vives, autour du problème de l'écriture de soi. Quels sont les enjeux chez les écrivains d'une mise à distance du "biographique" ? Où en est aujourd'hui, du côté des analystes, la relation d'altérité entre littérature et psychanalyse ? En quoi les " cas " sont-ils à envisager d'un point de vue littéraire ? Quel rôle la littérature, et plus particulièrement la littérature personnelle, a-t-elle joué dans le développement historique de la psychanalyse ? Comment penser l'articulation du temps et de la narration dans la cure ? Quelles sont les fins de l'écriture autobiographique après la cure ? ... Telles sont les questions, parmi d'autres, abordées dans ce livre.

Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre." Il n'est guère façon plus intime de tisser un texte écrit, avec la trame du visible de la peinture et la chaîne de l'écriture, du livre autour d'un même sujet, du sujet écrivant et peignant, écrivant avec des images et peignant avec des mots, un sujet s'exposant dans la topique de ses lieux et dont le nom vient occuper un lieu central.

Qu'est-ce que le pacte autobiographique ? C'est l'engagement que prend un auteur de raconter directement sa vie (ou une partie, ou un aspect de sa vie) dans un esprit de vérité. Le pacte autobiographique s'oppose au pacte de fiction. Quelqu'un qui vous propose un roman (même s'il est inspiré de sa vie) ne vous demande pas de croire pour de bon à ce qu'il raconte : mais simplement de jouer à y croire. L'autobiographe, lui, vous promet que ce que qu'il va vous dire est vrai, ou du moins est ce qu'il croit vrai. Il se comporte comme un historien ou un journaliste, avec la différence que le sujet sur lequel il promet de donner une information vraie, c'est lui-même. Si vous, lecteur, vous jugez que l'autobiographe cache ou altère une partie de la vérité, vous pourrez penser qu'il ment. En revanche il est impossible de dire qu'un romancier ment : cela n'a aucun sens, puisqu'il ne s'est pas engagé à vous dire la vérité. Vous pouvez juger ce qu'il raconte vraisemblable ou invraisemblable, cohérent ou incohérent, bon ou mauvais, etc., mais cela échappe à la distinction du vrai et du faux. Conséquence : un texte autobiographique peut être légitimement vérifié (même si c'est dans la pratique très difficile !) par une enquête. Un texte autobiographique engage la responsabilité juridique de son auteur, qui peut être poursuivi par exemple pour diffamation, ou pour atteinte à la vie privée d'autrui. Il est comme un acte de la vie réelle, même si par ailleurs il peut avoir les charmes d'une oeuvre d'art parce qu'il est bien écrit et bien composé. Comment se prend cet engagement de dire la vérité sur soi ? A quoi le lecteur le reconnaît-il ? Parfois au titre : Mémoires, Souvenirs, Histoire de ma vie... Parfois au sous-titre ("autobiographie", "récit", "souvenirs", "journal"), et parfois simplement à l'absence de mention "roman"...PH. LEJEUNE.............. Ce texte, où l'auteur explique sa démarche est lui-même autobiographique.

4ème de couv. : "Ce colloque dégage les modalités de l'apparition du Moi aux premiers temps de l'Occident chrétien et analyse ensuite les configurations historiques précisies qui ont permies de favorisé les affleurements du geste autobiographique au Moyen Age, puis les premières manifestations de la Renaissance, les variantes italiennes, espagnoles, anglaises, allemandes et françaises des XVIIe et XVIIIe siècles, les modalités propres au XIXe et la grande effloresence actuelle. A l'analyse historique se joint une réflexion suscitée d'autres lieux de la recherche : ethnologie, sociologie, psychanayse. Enfin, on esquisse la poétique moderne de l'écriture sur soi."

Dans le cadre de ses chroniques, Philippe Lejeune restitue historiquement les résistances que la publication du journal intime et de l'autobiographie ont rencontrées auprès des critiques et des écrivains. L'idée de l'autobiographie comme pratique culturelle commence seulement à s'imposer. Il va sans dire que le livre de Philippe Lejeune est une ardente défense du geste autobiographique qui permet de construire sa vie en la racontant ainsi que du journal intime qui consiste à créer un univers de mots pour reprendre pouvoir sur une vie dont la maîtrise nous échappe. Tenir un journal, c'est une manière de vivre autant que d'écrire. L'auteur répond aux questions juridiques posées par la réalisation de cet acte d'écriture. A-t-on le droit de parler de la vie privée des autres ? A qui appartient une lettre ? Le journal intime peut-il être saisi par la justice ? Peut-on écrire pour soi en prison ? Le pacte autobiographique lance le texte dans la réalité des rapports avec autrui, il met en résonance l'intime et le social, articule droits et devoirs. Ces chroniques éveillent le goût pour ces pratiques ouvertes à tous mais qui ne manquent pas d'exigence. La création de soi est à l'oeuvre.