L'indiscrétion des frères Concourt Historiens et biographes, critiques d'art, dramaturges, romanciers, Jules et Edmond de Goncourt comptent parmi les écrivains majeurs du XIXe siècle. Beaucoup ne voient dans leur journal, matière de cet essai, que cancans et calomnies. N'est-ce pas méjuger le travail des deux frères ? Chaque soir, ils se font un devoir de consigner à chaud, sans vergogne, tout ce qu'ils ont vu, surpris, entendu : que Daudet, leur ami intime, aimait à prendre les femmes à l'envers, ou que les dîneurs de Magny en pinçaient pour les fillettes. Il ne s'agit donc pas que de littérature et de philosophie. Les Goncourt ne ménagent personne, pas même eux. Leur indiscrétion ne fait pas de quartier. Ils la revendiquent haut et fort, s'attachant à recueillir, comme chargés de mission, ce qui, sans eux, se perdrait dans les oubliettes de la bienséance et de l'histoire.

Romans d'archives? Le titre indique ce qui fait rêver et travailler les collaborateurs de ce livre: le roman comme genre, l'ensemble de traces, le plus souvent écrites, qui le précèdent, c'est-à-dire son avant-texte, et à l'intérieur de ce dernier ensemble, un objet qu'on appelle document, que l'on verra se transformer peu à peu en monument, c'est-à-dire en texte romanesque. Dès lors qu'on envisage la relation du roman au savoir, à la culture, l'angle d'ouverture critique s'aggrandit, et les occasions d'aventures sont plus nombreuses, plus imprévisibles. Le document, dans sa transformation scripturale, devient un objet de passage, tantôt chose légère et ailée, tantôt masse industrieuse, tantôt trace impalpable, presqu'irrepérable. On le verra, nous l'espérons, en lisant les exemples et les conclusions qu'ils ont inspirées, il ne s'agit jamais de la source, mais du ruisseau, de la rivière, voire du fleuve d'encre dont s'irrigue l'écriture même du roman. Balzac, Flaubert, les Goncourts, Hugo, Claude Simon...les exemples auraient pu être multipliés encore. Mais ceux-là montrent bien, originalement chaque fois, combien l'invention romanesque peut s'épanouir dans l'imaginaire des documents.

Elisa, jeune prostituée, fait la rencontre d'un militaire dans un bordel parisien. Elle le poignarde au cours d'une violente altercation. Condamnée à mort, elle est graciée et incarcérée. En prison, elle sombre dans la folie. (Electre)