L'Alchimie
Bulletin : <>Cahiers de Science et vie 169 - mai 2017
Numéros de page :
63 p. / p. 24-86
De l'alchimie, on a ces images de fumerolles vaguement magiques et de sympathiques charlatans penchés sur leurs alambics tordus, le tout au milieu de relents sulfureux... A l'heure des accélérateurs de particules et de la physique nucléaire, comment encore prendre au sérieux ces savants fous qui se donnaient pour ambition de créer une " pierre philosophale " capable de changer le plomb en or ? De donner la vie éternelle ? Le tout à grand renfort de beurre d'antimoine et de sublimé corrosif. Evidemment, la comparaison prête à sourire... Mais elle est surtout inappropriée. D'abord parce que ce faisant on mélange deux époques, médiévale et contemporaine, qui n'avaient bien sûr pas accès aux mêmes connaissances. Ensuite parce que l'on confond le visage actuel de l'alchimie, construction récente échafaudée après sa séparation avec la chimie au XVIIIe siècle, avec sa réalité historique millénaire. Loin de la boîte à fantasmes ésotérico-occultes, cette étrange discipline fut un formidable laboratoire de recherche, une mine d'idées capables de défier encore aujourd'hui les chercheurs qui revisitent les dizaines de milliers de textes et recueils de recettes conservés. Une redécouverte aussi récente que complexe. C'est que " l'Art sacré " n'avait cure de l'avis du "vulgum pecus", et n'avait donc guère cherché à en être compris - il n'y eut sans doute pas d'autre discipline, scientifique et assimilée, plus universelle dans ses idéaux et plus taiseuse quant à ses résultats. Ses enseignements devaient se mériter, par l'étude, la pratique, la réflexion. " Le peuple n'y peut rien comprendre, notait sans fausse pudeur Roger Bacon au XIIIe siècle dans son "Opus Tertium". Et les méchants, s'ils connaissaient le secret, en feraient mauvais usage et bouleverseraient le monde... " Car dans les esprits de ses adeptes, ce ne sont rien de moins que les grands principes du monde qui s'échafaudent ; dans ses fourneaux, sa matière premi