Tino Seghal, la condition politique
Bulletin : Art press 382 - octobre 2011
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5 p. / p. 64-68
Rappelons le principe : Tino Sehgal crée des « situations » qu'il fait interpréter par des acteurs, professionnels ou non, ou des danseurs, le public étant censé se mêler à ces situations : des gardiens qui prennent à partie les visiteurs lorsqu'ils entrent dans la salle d'exposition, un couple qui s'expose dans des étreintes passionnées, etc. a pourrait rappeler les happenings des années 1960 si l'artiste acceptait que l'on prenne des photos, par exemple, pour se souvenir de l'événement. Mais non. Toute trace est interdite : ni photo, ni vidéo, pas plus de certificat lors de la cession d'une de ces oeuvres que de directives écrites pour le jour où elle sera rejouée. Tout doit demeurer dans la transmission orale. Ce qui, dans le cas d'achats par une institution publique, donne lieu inévitablement à de petites tricheries, comme on a cru le comprendre à l'occasion d'une polémique qui entoura l'acquisition d'une oeuvre par le Centre Pompidou. L'oeuvre en question, « This Situation », avait été présentée en février 2009 à la galerie Marian Goodman de Paris. Cette fois, les « joueurs », qui devaient entraîner les visiteurs dans des discussions situées dans les hautes sphères de la morale et de la philosophie, étaient tous des intellectuels, des universitaires, sollicités par l'artiste pour leurs compétences scientifiques. Ce qui change un peu la donne. Que des acteurs se roulent par terre sans vergogne, c'est normal, c'est leur métier. Mais que des intellectuels soient contraints de prendre des postures ridicules et de maintenir leur discours dans un cadre pré-établi, cela est absolument contraire à leur fonction. Le rôle d'un intellectuel est l'analyse, donc la critique, donc la prise de distance. Le rôle d'un intellectuel est de ne pas accepter la situation telle qu'elle est. C'est ce qu'a fait Marcela Iacub qui, contactée pour être l'une des joueuses, a tenté l'expérience, puis, reprenant ses esprits, a aussi repris s