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Debout les moches !

Numéros de page :
10 p. / p. 53-62
″J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché de la bonne meuf.″ Ainsi s'ouvrait, en 2006, ″King Kong Théorie″, l'uppercut féministe de Virginie Despentes. Sublime. Enfin, on faisait un bras d'honneur à la beauté imposée comme une norme. Si, grâce à de nombreuses études, la beauté se mesure : sacro-saint IMC (indice de masse corporelle), symétrie du visage, rapport taille-hanches, etc., on est bien en peine de définir la mocheté. Parce qu'elle n'est pas étudiée. Elle reste l'envers de la beauté, l'autre côté du miroir. Point. Si certaines sont affligées de traits disgracieux, cela n'en fait pas pour autant des moches, mais des habitantes de ce pays du Grand Tout, surpeuplé, qu'on voudrait rayer de la carte. Où sont donc les moches, ou assimilées ? Tapies au fond d'elles-mêmes. Honteuses. Qui ont accepté et validé le bas-côté dans lequel on les contient. Vous en voyez, vous, dans les féminins, sur les affiches, à la télé, au cinéma ? Non, ou alors dans des seconds rôles ou dans des rôles de... moches ! Que font les moches, ou assimilées ? Rien. Elles ne pointent pas le bout de leur gros nez et n'ouvrent pas leur petite bouche mal ourlée. Même si certains en ont fait leur carte de visite. Je pense à Sim, Rossy de Palma et quelques autres qui laisseraient penser que ″y a de la place pour tous″. Sauf que non. Les pas beaux sont discriminés dès l'enfance, et seront moins bien payés, plus tard, dans leur travail. A moins qu'ils ne deviennent célèbres. Sartre et Gainsbourg en savaient quelque chose : le pouvoir ou l'argent rendent beau. Plutôt les hommes, d'ailleurs. Il faut bouger ces lignes, là, maintenant, dans notre quotidien. Se secouer et cesser de se réfugier dans la ″beauté intérieure″ ou le ″chaque pot a son couvercle″, etc. Les belles et les beaux