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L'Aura des arts de la scène

Numéros de page :
16 p. / p. 53-68
"Pour être un performer, il faut haïr le théâtre. Le théâtre n'est qu'illusion, la performance est réelle." Ce constat sans appel de Marina Abramovic est révélateur d'une situation en pleine évolution : le performatif a conquis tous les domaines de la création artistique. Et le théâtre, au coeur de cet écartèlement, semble subir une sorte de désamour (G. Banu). Les déplacements multiples que l'on peut observer de la performance et des arts plastiques vers le théâtre, et inversement, nous font entendre que la scène, celle du théâtre ou de la performance, où ces déplacements s'incarnent, est révélatrice d'une création qui se joue dans l'instant présent, confrontant les artistes et les musées à de nouveaux défis esthétiques. Comment concilier le temps long du musée et le temps court de la performance, le temps long du texte et le temps court de la représentation, et comment sauvegarder ce qui est éphémère ? Est-ce la pérennité de l'art qui est mise en cause ? Est-ce l'aura des spectacles vivants qui est ternie ? En créant un musée de la danse, Boris Charmatz explique que "nous sommes à un moment de l'histoire où un musée n'exclut aucunement les mouvements précaires, ni les mouvements nomades, éphémères, instantanés." Et le théâtre, la danse, la performance, soustraits à la reproduction de masse, préservent une aura ancienne, archaïque, véritable sceau identitaire, qui les rattache à une tradition fondatrice, celle de l'irrépétable, de l'absence de démultiplication, garantie de survie conférée par la marque mnémonique d'un acteunique. L'aura, au sens benjaminien du terme, semble bien la valeur refuge des spectacles vivants.