Le contraste est grand entre le sentiment de victoire historique qu’avaient, il y a trente ans, les Européens et leur surprise actuelle devant la la réaffirmation de régimes qui refusent de s’aligner sur eux. Ils se félicitaient de voir assurés les fondements de la démocratie (les libertés publiques, le marché, la représentation politique) sur un continent exemplaire, dont le modèle ne pouvait que s’imposer mondialement. Cette assurance a fait place à l’inquiétude devant le délitement de communautés politiques, plutôt entremêlées que vraiment rapprochées, traversées par des forces matérielles et idéologiques (le marché et les droits individuels) qui contraignent les pouvoirs élus. C’est ce malaise, ce trouble dans les têtes et dans les consciences, dans les visions du monde et les valeurs civiques que l’on voudrait éclairer ici.