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Universel

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pp.113-117
La prétention à l'universel a longtemps suscité la suspicion. "D'où parlez-vous ? " : cette formule quelque peu inquisitrice peut faire sourire aujourd'hui, elle conserve toute son efficacité sous des tours moins abrupts et plus indirects (par exemple : "Qui êtes-vous pour parler à la place des"). En forçant les prétendants à situer leur discours, on entend se prémunir de l'illusion qui consiste à faire passer pour des catégories ou des lois naturelles de simples déterminations sociales et historiques, mais aussi à considérer comme allant de soi une position qui s'arroge généreusement le droit de parler pour les autres. Une telle suspicion de principe a quelque chose de paradoxal, du moins lorsqu'elle prétend s'exercer au bénéfice de l'universel. Pour le distinguer de ses contrefaçons, on se dit qu'il faut commencer par purifier l'universel, c'est-à-dire le maintenir maximalement ouvert en déliant toutes les attaches qui le compromettraient avec des biais ou des intérêts particuliers (ceux d'une classe, par exemple). Mais cette relativisation des revendications d'universalité risque de se prolonger indéfiniment, au point de jeter le doute sur le concept même d'universel. C'est l'aporie de la pensée critique, qui est au fond un purisme.