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Le Réel inquiété. Entretien avec Myriam Revault d’Allonnes

Numéros de page :
pp.38-45
Il y a, dans la notion de «post-vérité», qui a massivement émergé après la campagne du Brexit et l’élection de Donald Trump, un certain nombre d’éléments qui débordent les limites du domaine et de la pratique politique au sens étroit du terme. Le dictionnaire d’Oxford qui, en 2016, a fait de la «post-vérité» le mot de l’année indique que la notion à laquelle le préfixe «post» est accolé (à savoir la vérité) est devenue elle-même secondaire, voire dépourvue de pertinence. a post-vérité remet donc en cause le caractère essentiel, vital, de la vérité. Autrement dit, elle ne désigne pas l’émergence d’une ère où triompherait le mensonge généralisé et qui se substituerait à celle où aurait régné la recherche de la vérité, mais elle remet en cause le partage entre le vrai et le faux, elle marque un brouillage des frontières qui laisse entrevoir un régime d’indifférence à la vérité. Ce phénomène mérite d’être envisagé au-delà de la question des «fake news» ou de la diffusion virale des informations sur Internet et les divers réseaux sociaux. Il a un effet sur notre être-au-monde, sur notre monde commun, sur la façon dont nous le vivons et le partageons avec les autres. Le monde des relations entre les hommes n’est assuré que si ces derniers peuvent débattre et échanger à partir de la pluralité de leurs perspectives et de leurs points de vue.