Jacques Doillon : "Sans pulsion, le cinéma est faible"
Bulletin : So film 90
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Numéros de page :
pp.100-107
C'est une maison typiquement normande, à colombages, perdue dans le bocage, quelque part entre le pays d'Ouche et le pays d'Auge. Tellement perdue que même l'adresse se révèle introuvable pour le GPS du taxi, qui s'égare chez un voisin. Pas de chance, le nom de Jacques Doillon lui est parfaitement inconnu. Le réalisateur, 77 ans aujourd'hui, doit en avoir l'habitude : au même moment, il envoie les indications précises par SMS. Une discrétion qui n'est manifestement pas pour lui déplaire : "Mon désir d'aller vers les gens est tellement inouï, ironise-t-il quelques instants plus tard sur le pas de la porte. Le fait d'être seul m'a toujours bien convenu, et je n'ai jamais trop eu le goût des foules. Et donc ici, c'est parfait, personne ne vient de me voir, à part un sympathique paysan à la retraite avec son tracteur, qui est à peu près mon seul lien social !" Dans la cheminée au beau milieu du salon, les bûches crépitent déjà, la faute à une chaudière tombée en rade le matin même. Alors que ses quatre premiers films ressortent en salles, Jacques Doillon se montre volubile, entamant sans préavis la discussion. Debout, à bâtons rompus.