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De la provocation en littérature

Bulletin : Lire mars 2022
Numéros de page :
pp.38-53
Souvent, derrière nos grands écrivains, se cache un artificier. Comme Cervantès, qui anéantit les irréalités des chansons de geste médiévales sous les salves de rires suscitées par son Quichotte. Ou comme Perrault, qui, le 27 janvier 1687, alluma un pétard poétique en pleine Académie française en proclamant que les Modernes valaient bien les Anciens ! N'en déplaise à ceux qui voudraient réduire la littérature à des débats feutrés entre gens de bon aloi, la provocation, bien maniée, est un précieux instrument, qui éprouve les normes artistiques et sociales d'une époque, souvent pour mieux les redessiner. Elle peut découler d'un souci de vérité, comme le montrent les reparties absolument sincères de Diogène. D'une volonté de se distinguer ou d'expérimenter d'autres modes d'existences, comme les forfanteries baudelairiennes ou les affreuses plaisanteries de ce voyou de Rimbaud. Ou même définir un mouvement littéraire, comme celui de la contre-culture américaine. Faut-il croire, comme l'écrivain Bret Easton Ellis (spécialiste de l'exercice), que provoquer n'est plus possible, à l'heure où les réseaux sociaux transforment le moindre trait d'ironie en outrage à prendre au premier degré ? L'idée doit faire rire Michel Houellebecq, notre plus fin provocateur, qui vient de publier un gros roman plein de pages urticantes et détonnantes... Sommaire. Villon, Cervantès, Molière : les rebelles historiques des lettres. Provocateurs par lucidité : quand dire le vrai dérange. L'obscène et le politique : les pornographes d'utilité publique. Baudelaire et Rimbaud : poétiquement incorrects. Pouvoir et contre-culture : les liaisons scandaleuses. Provoquer aujourd'hui : où est passé le second degré ? Nabe, Zemmour et Camus : les bannis devenus éditeurs. Louis-Ferdinand Céline : la subversion à l'oeuvre. Michel Houellebecq : vers le néant, avec amour.