Univers noir
Bulletin : BIBLIOthèque(s) 57 - juillet 2011
Numéros de page :
54 p. / p. 6-59
Le meurtre est inaugural, fondateur. Anthropologues et psychanalystes en déduisent culture et civilisation. Pour autant, tout crime n'est pas mythique, sacrificiel. Là courait sans doute la frontière qui séparait le roman policier classique, celui des mystères et des enquêtes, du gendarme et du voleur, des grands textes qui de ℗ l'Odyssée ® à ℗ Crime et châtiment ® en passant par ℗ Don Quichotte ® ont pu illustrer à la fois la quête des signes et la plongée dans les recoins les plus sombres de la psyché. Mais en 1933 déjà, Malraux saluait en un mot célèbre le ℗ Sanctuaire ® de Faulkner comme ℗l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier ®. Ceci, au moment même où Gallimard publiait les premières traductions de Dashiell Hammett, adoubé, lui, par André Gide. Moins de quarante ans plus tard, le roman noir, devenu plus sociologique, épouse l'ensemble des configurations du monde. A lire quelques-uns des auteurs évoqués dans ce dossier, l'on peut se demander si - de même qu'en certain sens il est affirmé en ces pages que tout film est un film noir - ce n'est pas le cours même du monde qui fait de tout roman un roman noir, s'il n'est à l'eau de rose ? On comprend que toute notion de ℗ mauvais genre ® soit désormais balayée, et que cela ne tient peut-être pas tant à certaine ℗ légitimation ® qu'à la perception qui est désormais la nôtre d'un univers où le mal tient désormais sa place comme le cinquième élément d'une antique cosmologie revisitée. Pourtant, cet ℗ univers noir ®, celui de l'ombre, de la mort et du deuil, est aussi le lieu d'un paradoxe ; nul ne l'a mieux exprimé que le poète René Char dans ℗ Fureur et mystère ®, en ces mots qui siéraient si bien à l'oeuvre de Ran Blake à laquelle il est ici rendu justice : ℗ La couleur noire renferme l'impossible vivant. Son champ mental est le siège de tous les inattendus, de tous les paroxysmes. Son prestige escorte les poètes e
Note Générale : Dossier de 15 articles.