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Conquête spatiale. Une nouvelle épopée humaine ?

Bulletin : La Recherche 560
Numéros de page :
pp.34-53
C'est en 2024 que des humains devraient fouler à nouveau le régolithe lunaire, la fine couche de poussière qui couvre notre satellite naturel. Ce retour sur la Lune, plus d'un demi-siècle après les missions Apollo, est voulu par les Etats-Unis. Car le vol habité est constitutif d'une posture politique de l'administration américaine, cherchant à asseoir sa puissance dans le pays et à travers le globe, notamment vis-à-vis de la Chine. Les autres nations, l'Europe, ainsi que des sociétés privées s'inscrivent dans le sillage de ces projets. Les acteurs privés, en particulier, bénéficient de la manne que représentent des programmes spatiaux richement dotés. En quelques années, de nouvelles entreprises sont devenues des partenaires incontournables de la Nasa : le 27 mai, une fusée de SpaceX doit emmener des astronautes vers la Station spatiale internationale. Ce sera la première mission américaine habitée depuis l'arrêt des navettes spatiales, en 2011. Et trois opérateurs privés - Blue Origin et Dynetics, en plus de SpaceX - viennent de se voir attribuer près d'un milliard de dollars par la Nasa pour la première phase d'études de conception d'un atterrisseur lunaire habité. S'ils profitent ainsi de cette dynamique, ils en sont en même temps un moteur, investissant parfois à fonds perdu. Pour le spationaute Jean-François Clervoy, très enthousiaste, c'est « une bonne chose que des milliardaires se lancent dans le domaine spatial avec leur argent, cela montre que l'espace peut être une passion entraînante ; c'est aussi une reconnaissance de la noblesse que représentent les activités spatiales : ils continuent, sans se décourager, même si les risques sont très élevés, jusqu'à réussir des missions très difficiles ». Cela permet aussi aux agences spatiales de dépenser globalement moins d'argent public pour un même retour scientifique et exploratoire. Autre conquête en ligne de mire : Mars. L'échéance est plus lointaine. L'an 2050 ? Difficile à prévoir, tant les aléas sont grands. Dans un ouvrage qu'il vient de publier, le planétologue Francis Rocard fait le point sur ce que l'on sait de l'histoire de la planète Rouge, de l'eau qui s'y trouvait et s'y trouve encore. Il présente les différentes missions possibles vers Mars et sur Mars, des plus simples aux plus complexes. Impossible pour certains, l'entreprise lui paraît réalisable, même si le financement pourrait avoir du plomb dans l'aile en raison de la crise due à la pandémie actuelle. Mais l'entreprise est-elle désirable ? C'est la question que posent beaucoup de scientifiques, représentés dans nos pages par l'astronome et écrivain Donald Goldsmith, et son collègue Martin Rees, astronome royal britannique. Pour eux, les motivations sous-jacentes à l'envoi d'hommes et de femmes dans l'espace ne tiennent pas, au regard des avantages de l'exploration robotique. L'espace, ultime frontière des humains ou des robots ? La question est posée. Sommaire. "Avant Mars, l’espace Terre-Lune sera habité différemment", entretien avec Xavier Pasco. Les entrepreneurs s’offrent la Lune. Prochain arrêt, la planète Rouge. Avons-nous besoin d’humains dans l’espace ?