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Le Soin du vêtement au couvent, entre uniforme et distinction

Numéros de page :
23 p. / p. 104-126
Cet article analyse le rapport des religieuses à leur vêtement, à partir du cas des premières générations de carmélites déchaussées espagnoles, entre les années 1560 et les années 1630, pour revenir sur l'articulation complexe et plastique entre les normes de la vie conventuelle et les pièces de l'habit monastique. Il s'appuie sur l'ensemble des normes qui encadrent et définissent les vêtements monastiques et s'interroge sur leurs usages dans les couvents, à partir des sources hagiographiques produites par les religieuses et des discours tenus sur la signification du vêtement dans les sermons et la littérature spirituelle. Loin d'être réductible à un discours unique et simplificateur qui en ferait un langage vertueux, comme le veut la tradition hagiographique, l'habit monastique est un marqueur social essentiel qui, comparé au vêtement mondain et aux autres vêtements religieux, est un instrument de différenciation sociale et religieuse dont le rôle est crucial dans un contexte de réforme monastique, notamment par rapport aux autres ordres religieux. Dans la clôture, les manipulations des vêtements, et notamment le jeu qui s'instaure autour de la déchirure et la saleté des habits, permettent de se distinguer des autres, à rebours du discours dépersonnalisant qu'il véhicule et qui est repris d'ordinaire dans l'historiographie. Cet article étudie successivement le rapport du vêtement à la règle monastique et la dimension prescriptive du port de l'habit, à partir du cas de la prise d'habit et de la grande variabilité de ses significations, plus complexe que le rite de passage auquel cette cérémonie est traditionnellement associée.