De l'autorité paternelle au despotisme légal
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26 p. / p. 150-175
Les multiples revers essuyés par la France au cours de la guerre de Sept Ans furent le point de départ d'une véritable refonte de l'armée poursuivie jusqu'à la Révolution. Les mesures adoptées dans cette perspective sont aujourd'hui bien connues. Elles ont fait l'objet de multiples analyses qui se sont attachées à comprendre le renouveau de l'organisation militaire d'un point de vue institutionnel et social. Cette première approche se double depuis peu d'une interprétation plus culturelle. Appuyée en particulier sur les écrits des officiers, cette dernière s'est efforcée de démontrer l'apparition au lendemain de la guerre de Sept Ans d'un nouvel idéal du soldat, allant jusqu'à évoquer l'idée d'une « citoyennisation » de l'homme du rang. Au travail de restructuration de l'outil militaire s'opposerait ainsi un regard nouveau porté sur le soldat à l'issue de la paix de Paris, sans que ces deux évolutions ne semblent entretenir de véritables liens. En effet, l'idée que la transformation des modalités de l'encadrement exercé sur le rang ait pu contribuer à la volonté de rapprocher le soldat du citoyen n'a guère été étudiée. Cet article propose de revenir sur cette dichotomie en postulant que les réformes menées dans l'armée française des Lumières entretinrent au contraire un rapport étroit avec l'apparition d'un nouveau discours sur le soldat. La recherche d'une plus grande efficacité passait en effet par un bouleversement du statut politique de l'officier comme de ses hommes. C'est à partir de cette rupture, et des réflexions qu'elle suscite, que peut être véritablement saisi l'enjeu d'une réflexion nouvelle autour du soldat-citoyen.