Marx et Allah. Les gauches alternatives françaises face à l'islam, de Mai 1968 au 11 septembre 2001
Bulletin : Revue historique 686 - avril 2018
01 avril 2018
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pp.421-442
La question de l'islam suscite des passions particulièrement fortes dans le monde politique français, et ce depuis plusieurs décennies. Au sein des gauches alternatives (c'est-à-dire les forces de gauche se situant en dehors des organisations et courants traditionnels des gauches françaises), ce sujet a entraîné de nombreuses discussions, oppositions et évolutions. Cet article, mené à partir d'un travail de dépouillement d'archives, de littérature grise, de publications et de programmes, souhaite comprendre comment cette sensibilité, parfois présentée comme plus favorable à cette religion que le reste du monde politique français, a pensé son rapport avec l'islam. Il étudie une période allant de 1968, moment de retour d'influence des gauches alternatives, à 2001 et les attentats sur le sol américain. Durant celle-ci, ces forces politiques ont progressivement remplacé la figure du "travailleur immigré" par celle de "musulman". Or, cette mutation était fondamentale : elle posait la question, difficile, d'un passage d'une catégorie socio-économique à un groupe religieux, peu pensé par des approches largement inspirées du mouvement ouvrier et du marxisme. Cette évolution a été différente selon les sensibilités des gauches alternatives. Celles-ci ont généré un vaste spectre de réponses, allant d'une hostilité déclarée au religieux à une volonté de se rapprocher de l'islam, y compris politique. Ces réponses ont été largement influencées par le contexte international, entraînant des difficultés récurrentes à circonscrire le sujet au seul cadre français.