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Ales Steger. Que les mots éclatent entre tes dents...

Bulletin : Europe 1068
01 avril 2018
Numéros de page :
pp.323-328
Sur fond d'un mur gris où les ombres font des taches, entre un pot à eau ventru, resserré à la taille, et une casserole bleue montrant son ventre vide, au centre, un peu plus incertaine, moins brisée aux angles, sculpturale pourtant, une bougie suspend le triangle de sa flamme étrangement blanche au sommet d'un bougeoir aux boucles compliquées... Avec "La Casserole émaillée" de février 1945, Picasso donnait à voir la puissance des choses ordinaires, de ces présences muettes qui nous entourent et n'ont jamais cessé de retenir l'attention des hommes. En effet seules les choses sont vraiment - immobiles, obstinées, présentes bien plus que nous ne le serons jamais, nous qui passons notre temps à passer... Et ce n'est pas seulement parce que "Le Livre des choses" d'Ales Steger, qu'ont publié les éditions Circé, s'achève sur une «Bougie» qu'est venue à l'esprit cette forte toile (plutôt que la tradition des natures mortes sur laquelle elle s'appuie cependant), mais d'abord parce que ses aspérités, ses angles, les hanches étranglées du broc à eau, l' angle brutal de la casserole, en bref l'âpreté conquise au temps du cubisme appellent chez le poète slovène aussi cette force mystérieuse, un peu inquiétante, de ce qui partage notre monde en y étant autrement que nous.