Aller au contenu principal

Le Coeur des mortels. "Andromaque (un amour fou)", de Jean Racine

Bulletin : Europe 1068
01 avril 2018
Auteurs
Numéros de page :
pp.329-331
Mettre en scène un classique, c'est avoir la prétention de porter sur lui un regard neuf ,que personne n'y avait encore jamais posé. C'est croire en la possibilité de le faire entendre autrement d'une façon à la lettre inouïe. Ou alors à quoi bon ? Force est de constater que la gageure est rarement tenue. La plupart du temps on a soit un spectacle fade, sans idée, qui rend banale une oeuvre admirable. Soit, et c'est hélas ! le cas le plus courant, une mise en scène qui, sous prétexte d'originalité, dénature le texte, le défigure, le rend méconnaissable. Le pis est que beaucoup de ces mises en scènes extravagantes reposent sur ce raisonnement douteux : puisque l'époque est vulgaire, rendons l'oeuvre aussi médiocre que l'époque, pour que le public s'y retrouve. C'est ainsi qu'on trahit et salit Shakespeare ou Tchekhov .Et Racine n'est malheureusement pas le moins maltraité. On a vu ainsi des "Britannicus" qui se résumaient aux problèmes d'un adolescent turbulent avec sa maman ou des "Phèdre" qui nous exposaient avec complaisance la très prosaïque histoire du démon de midi s'emparant d'une femme entre deux âges. C'est dire s'il y avait de quoi être inquiet devant le projet de la compagnie The Party, fondée et dirigée par Matthieu Cruciani. Mêler le texte de Racine avec des dialogues tirés du film "L'Amour fou" de Jacques Rivette ; utiliser de la vidéo et faire intervenir un musicien en direct sur scène ; jouer en costumes modernes dans un décor assez banal : tout cela pouvait faire craindre le pire.