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Misères de la vie conjugale à la Belle Epoque. Un courrier des lecteurs du "Matin" sur le divorce, 1908

01 juillet 2017
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pp.619-650
Plus de vingt ans après la loi Naquet de 1884 qui en avait rétabli la possibilité, le divorce demeure à la Belle Epoque un véritable sujet de société. Quand, en 1908, le quotidien « Le Matin » lance sous la houlette du journaliste Gustave Téry une grande enquête sur le sujet, celle-ci prend un tour inattendu : si elle débute comme à l'ordinaire par des lettres ouvertes de personnalités et des interviews, elle accorde une place sans précédent aux lettres de lecteurs qui, passionnés par la question, écrivent pour se prononcer "pour le mariage indissoluble", "pour le divorce" ou "pour l'union libre". La publication exhaustive des milliers de réponses reçues n'étant pas envisageable, Gustave Téry complète l'enquête en élaborant un roman-feuilleton, « Les Mystères du divorce dévoilés par nos lecteurs » : les lecteurs du « Matin » deviennent à la fois les co-auteurs et les personnages d'une œuvre fictionnelle polyphonique où ils sont censés pouvoir reconnaître leurs témoignages. Quel statut donner à ces "confidences" destinées à être publiées dans un quotidien à grand tirage et qui de surcroît joue volontiers de la confusion entre réalité et fiction ? Cette étude propose une analyse de ces écrits, présentés comme "la plus complète, la plus instructive, la plus émouvante contribution à l'histoire des moeurs" d'une "Belle Epoque" où la parole publique est fort rare à propos de la vie conjugale et de la sexualité ; et une réflexion sur les problèmes méthodologiques posés à l'historien tenté d'envisager les lettres de lecteurs comme des sources personnelles.