Aller au contenu principal

Une Thèse, impasse ou tremplin

01 juillet 2018
Auteurs
Numéros de page :
pp.127-130
"Tout finit en Sorbonne. Tout se décompose en thèses." Le soupir que note Paul Valéry dans ses "Cahiers" en 1925 ou 1926 dit assez le peu d'estime dans lequel il tient l'exercice académique. Aux poètes et aux romanciers l'invention, l'ouverture de perspectives neuves; aux thèses et autres travaux sorbonicoles l' accumulation et le rangement laborieux. Les uns créent, les autres mettent en fiches. Le sarcasme des écrivains à l'encontre de l'Université n'est pas nouveau. Rabelais ridiculise déjà Maistre Janotus de Bragmardo, bégayant son latin de cuisine et ressassant des formules creuses pour réclamer les cloches de Notre-Dame, et Molière n'est pas plus tendre avec Thomas Diafoirus offrant à la belle Angélique une grande thèse contre les circulateurs, partisans de la circulation du sang. Il est vrai que le rituel de la thèse était alors formel. On payait, on défendait oralement une formule consacrée et on recevait un titre qui ne servait pas à grand-chose. institution universitaire qu'elle ne constata son inanité. Une université nouvelle se crée sous l'Empire, la thèse latine est remplacée par une thèse en français, censée être neuve et originale, la thèse complémentaire en latin rappelle le rôle traditionnel de la langue ancienne (le latin disparaîtra, puis la thèse complémentaire elle-même ne survivra pas à Mai 68). Dans le domaine littéraire, l'histoire se substitue à la rhétorique, la thèse devient un travail conséquent en épaisseur, bardé de notes de bas de page et complété d'une bibliographie. La thèse dont se gaussaient Rabelais et Molière était vide, celle dont Valéry se plaint est trop pleine.