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Gilles Deleuze

01 avril 2012
Numéros de page :
193 p. / p. 3-195
L'une des caractéristiques les plus constantes de la philosophie de Gilles Deleuze est sans doute à chercher dam le rapport très paradoxal que ce penseur n'a cessé d'entretenir avec ce qu'il appelait tantôt la « non-philosophie » (d'abord les sciences, les arts et la littérature, mais aussi la psychanalyse. la politique, l'économie, la géographie, l'animalité...), tantôt une « compréhension non philosophique » qui opérerait non plus par concepts mais par « foncepts » (les fonctions de la science), « affects » (les blocs d'émotions de l'art, notamment de la littérature), et « percepts » (les blocs de perceptions impersonnelles de l'art, notamment en peinture et en cinéma). D'un côté, en effet, Deleuze n'a cessé de rappeler combien ce rapport ou cette compréhension pré-philosophique était constitutive du geste philosophique lui-même, au moins pour toute recherche de « nouveaux moyens philosophiques d'expression ». Mais d'un autre côté, il n 'a cessé de se démarquer de toute philosophie de la culture comme de toute philosophie trop érudite ou trop spécialisée : la philosophie n'a nul besoin d'autre chose que d'elle-même, et philosopher c'est tout sauf savoir, c'est-à-dire dépecer, s'approprier, ou s'annexer des pans de l'expérience humaine qui ne dépendent pas de soi et vivent très bien sans soi. Dès lors, tout se met à vaciller : entrer en rencontre nécessaire avec la non-philosophie serait-ce donc savoir sans savoir, voir sans comprendre, comprendre sans savoir et « sortir sans sortir » selon la belle formule du poète Ghérasim Luca ? Le premier sens de ce numéro d'« Europe » serait d'essayer de démêler ces questions en respectant d'abord et autant qu'il est possible les multiples manières dont Deleuze a pu tisser ce rapport si troublant à la littérature, au cinéma, aux ans plastiques, à la politique, à l'économie. à la psychanalyse... Il s'agit simultanément de rendre Deleuze à sa sauvagerie ou a