Représailles et logique idéologico-répressive. Le tournant de l'été 1941 dans la politique répressive du Commandant militaire allemand en France
Bulletin : Revue historique 669 - janvier 2014
01 janvier 2014
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33 p. / p. 109-141
Avec l'invasion de l'URSS par l'Allemagne en juin 1941, la politique répressive conduite par le MBF connaît un tournant brutal et s'oriente dès lors principalement contre les ennemis idéologiques du régime national-socialiste, présumés responsables des attentats. Le MBF rompt dès lors avec la pratique traditionnelle de la prise d'otages. Il décide en effet de ne pas prélever les otages destinés à être fusillés puis déportés en cas d'attentats parmi les notables, mais parmi le "cercle des coupables présumés", c'est-à-dire, en pratique, parmi les détenus communistes et bientôt juifs. Le choix opéré par le MBF répond à des motivations complexes qu'on ne saurait réduire, ni à de simples considérations objectives ou pragmatiques, ni à de simples considérations idéologiques. Si le MBF pratiqua en France occupée une terreur idéologiquement ciblée, c'est surtout parce qu'il la jugeait moins préjudiciable à la collaboration dans un pays où la lutte contre l'ennemi intérieur était définie selon des présupposés idéologiques qui rejoignaient largement les siens, et qui allaient être confortés, a posteriori, par les résultats des premières investigations policières. Qu'ils aient été simplement instrumentalisés ou qu'ils aient résulté de réelles inquiétudes devant la menace que représentaient les communistes et les Juifs pour la puissance occupante, le discours et les pratiques "sécuritaires" de l'appareil militaire d'occupation n'en expriment pas moins un anticommunisme et un antisémitisme virulents. La vision de la résistance qui sous-tend l'attitude souvent modératrice adoptée par le MBF face aux exécutions massives d'otages procède ainsi d'une logique idéologique et raciste.