Les Virus géants
Bulletin : Pour la science 415 - mai 2012
01 mai 2012
Numéros de page :
19 p. / p. 21-28, 30-40
Trop petits pour être visibles au microscope optique, dépourvus de métabolisme, les virus que l'on connaissait depuis la fin du XIXe siècle sont vus comme des parasites inanimés et non comme des organismes vivants. Munis d'une poignée de gènes, ils sont juste capables de détourner à leur profit l'appareil génétique de la cellule qu'ils infectent pour lui faire produire d'autres particules virales identiques. La découverte récente de virus plus gros que certaines bactéries, en particulier ″Mimivirus″ en 2003 et ″Megavirus″ en 2010, bouleverse ce tableau. Ce n'est pas une pure question de taille. Les virus géants sont plusieurs centaines à plus d'un millier de gènes, beaucoup plus que nécessaire pour un simple détournement du noyau de la cellule hôte. Ils contiennent aussi diverses protéines, enzymes et séquences d'ARN. Et surtout, ils ne font pas appel à l'appareil génétique de la cellule infectée pour se répliquer : ce processus a lieu dans le cytoplasme de la cellule, en utilisant seulement les ribosomes et les nutriments de l'hôte. Ce mode de réplication plus indépendant et le fait que, contrairement au cas des virus classiques, la plupart des gènes des virus géants ne proviennent pas d'autres organismes connus posent en des termes nouveaux la question de l'origine des virus et de leur appartenance ou non au monde vivant. On espère de nouvelles découvertes pour nourrir le débat. En particulier, des missions d'exploration telles que ″Tara Oceans″ ont récemment montré que le monde des virus aquatiques, auquel appartiennent les virus géants, est d'une richesse insoupçonnée et qu'il joue un rôle de premier plan dans la biosphère. Ces moissons océaniques pourraient bien apporter un grand nombre de nouveaux virus géants, et leurs résultats sont donc attendus avec impatience.