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LItinérance carcérale durant la guerre d’indépendance algérienne : entre logique de répression étatique et stratégie de résistance individuelle

01 avril 2021
Auteurs
Numéros de page :
pp.409-445
La guerre d’indépendance algérienne s’est déroulée non seulement sur un front militaire, avec l’envoi du contingent et le recours aux appelés, mais aussi sur un front judiciaire. Résultat, en Algérie comme en France, des milliers d’individus, Algériens, Français, hommes, femmes, militaires, civils, ont été envoyés en prison. Au lieu d’examiner la situation dans les établissements pénitentiaires, cet article opte pour une démarche au plus près des trajectoires carcérales. Grâce aux archives de la direction pénitentiaire et notamment du bureau de l’application des peines, des dossiers de détenus et des registres d’écrou, comme à de nombreux entretiens oraux, à la collecte d’archives privées et à la lecture d’autobiographies d’anciens prisonniers, on constate que la prison, parce qu’elle est une peine, est mobile. L’itinérance carcérale conduit en effet les détenus à migrer d’un site à l’autre non seulement en France et en Algérie, mais aussi entre la France et l’Algérie (dans les deux sens). Cette itinérance, qui définit un espace transméditerranéen de répression et de migration forcée, s’explique à la fois par une stratégie de répression coloniale et étatique, dont les racines remontent à la conquête de l’Algérie, mais aussi par des stratégies de résistances et de subversions individuelles. Car, si chaque détenu dessine une cartographie carcérale singulière, le trajet donne la possibilité d’alerter l’opinion sur la situation, la traversée des prisons facilite la comparaison (donc la lutte) pour une uniformisation vers le haut des conditions de détention et, finalement, le transfert permet de piéger l’Etat à son propre jeu répressif.