Aller au contenu principal

Brésil

01 mars 2015
Numéros de page :
43 p. / p. 12-20, 22-55
De quelque façon que l'on aborde ce pays-continent et quel que soit l'angle d'approche, tout peut se dire du Brésil - et, bien sûr, son contraire. Egrener images et clichés ne saurait en venir à bout : ils sont tous vrais, mais pas comme on le croit. Beauté, violence, indolence, richesse et pauvreté... A le lire, l'écouter parler et chanter, à le voir se regarder, le Brésil se tend à lui-même un miroir qui n'a rien de complaisant. Cette lucidité est cependant unique en ceci qu'elle ne paraît jamais entamer un enthousiasme indéfectible dont elle se fait un tremplin pour affronter tout obstacle. Si le Brésil s'est rendu célèbre, balle au pied, pour son "jogo bonito", ou sa façon légère et déhanchée de chanter à mi-voix la tristesse, c'est que ce sont là deux effets de ce même élan puisant dans un optimisme foncier qui est plus qu'une attitude, un véritable ethos, et enveloppe l'ensemble de ses faits et gestes. Ainsi, bâtir des bibliothèques magnifiques au coeur des favelas, lancer des programmes culturels ambitieux, soutenir la présence du livre et de la littérature par des manifestations vivantes et des dispositifs de médiation inventifs, tout cela dans un pays encore sous-équipé, au réseau lacunaire, où le taux d'illettrisme demeure alarmant, procède bien de cette même faculté d'opposer à l'opiniâtreté du réel une longue patience souriante et pleine d'espoir. « Paciência ! paciência !... » sont précisément les mots du troubadour, ex-ministre de la Culture, Gilberto Gil, en réponse à un Daniel Cohn-Bendit désespérant de voir le Brésil émerger un jour des contradictions usantes auxquelles il est en proie. « Paciência ! paciência !... », telle serait donc la vérité de l'« exception brésilienne ». Mais c'est une patience active, créative, bouillonnante, imprégnée de quotidien, celle peut-être que nous cherchons pour nous-mêmes dans nos bibliothèques françaises et qui nous permettrait d'affronter