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Ci-gît la beauté. Pour une Venise immobile

01 juillet 2024
Numéros de page :
pp.98-102
"Est-ce la destinée, ou est-ce ma faute : j'arrive toujours quand on éteint", écrit Paul Morand. Venise est-elle sur le point d'éteindre ses lumières ? Nous connaissons la rengaine. Ville noyée, ville morte, ville musée : l'effondrement serait imminent. Cette propagande mondiale entoure la ville d'un nimbe tragique. Venise, béquillée sur ses millions de pilotis, semble vouée au deuil. Elle ressemble à cette épave sur les vagues, une Pompéi où les âmes tristes se complaisent. Ce sont les romantiques qui ont donné à Venise l'image de la décrépitude et de la délectation que l'on éprouve à se "sentir mourir avec tout ce qui meurt autour de vous". Ils y traînent dans les canaux une main pâle chargée de bagues et la baignent de leurs larmes. Dans "La Mort à Venise" de Thomas Mann, un homme et la ville sombrent à l'unisson.