Nous les appelons par leur petit nom : l'affaire Seznec, l'affaire Grégory, l'affaire Dupont de Ligonnès... Et pour cause ! Certaines histoires criminelles structurent notre mémoire collective au même titre que les grands événements géopolitiques. Une fois transformées en « faits divers »,elles gagnent le pouvoir de cristalliser les préoccupations d'une époque. La nôtre s'inquiétant justement des violences faites aux femmes, les affaires Jubilar et Sauvage étaient vouées à défrayer la chronique. Bien sûr, les écrivains, ces alchimistes qui tâchent eux-mêmes d'obtenir, par leurs oeuvres, des cristallisations du même ordre, ont édifié nombre de fictions sur des faits divers. "Le Comte de Monte-Cristo", "Madame Bovary," les nouvelles de Maupassant... Puis, au XXe siècle, la passion de la vérité est venue concurrencer le désir de romancer. Truman Capote, avec "De sang-froid", invente un genre que nous nommons par des termes anglais : le "true crime", à la fois roman et enquête où tout est présenté comme vrai. En France, le genre a prospéré sur les bases de notre cartésianisme : le succès de "L'Adversaire", d'Emmanuel Carrère, ou des textes de Philippe Jaenada, sont là pour le prouver. Ils rappellent aussi qu'il ne suffit pas de relater un crime par écrit pour le tirer vers la littérature. C'est aussi l'écriture laconique et expressive de Carrère qui fait de "L'Adversaire" une fascinante lecture, c'est aussi l'humour et le travail formel de Jaenada qui nous portent à travers les 750 pages d'"Au printemps des monstres". Chassez l'invention du fond, elle revient par la forme! Et chassez la vérité des prétoires, elle revient par la littérature ? Parfois : dans "Au printemps..." , Jaenada décrit l'affaire Léger comme une énorme erreur judiciaire. Mais n'oublions pas Duras et l'affaire Grégory... Sommaire. Encre, crimes et création. Au bonheur des drames. Du « True crime » au « romanquête ». Histoire d'un genre moderne. Entretien avec Philippe Jaenada : « Une vie vécue n'est pas une vie racontée ». Petite bibliothèque idéale. Cinq romans français qui refont la chronique. Une (ré)écriture du réel : l'affaire Grégory selon Marguerite Duras. Contre-enquête d'auteur. De la fiction comme preuve. Affaires cachées. Ces classiques inspirés de faits divers.