Aller au contenu principal

Fred Zinnemann, un sceptique à Hollywood

01 octobre 2024
Numéros de page :
pp.92-116
Interrogé en fin de parcours sur la notion d'auteur, Fred Zinnemann répondait : « "Les Raisins de la colère" est un roman de John Steinbeck. Le scénario est l'oeuvre de Nunnally Johnson, mais c'est un film de John Ford. Sans faire de hiérarchie de valeur, prenez un opéra, "Les Noces de Figaro" par exemple. Ce n'est pas le "Figaro" du librettiste Da Ponte, ce n'est pas le "Figaro" du dramaturge Beaumarchais - c'est le "Figaro" de Mozart. L'opéra est porté par la musique, comme le cinéma est porté par des images animées. Le parallèle est évident. Que ce soit ou non un travail "de commande" n'entre pas en ligne de compte. » Cette démonstration en dit long sur l'art d'un cinéaste longtemps boudé par les puristes de la politique des auteurs. Pourtant, la cohérence de son oeuvre est indéniable, quel que soit le genre qu'il adopte, quelle que soit la compagnie qui l'emploie (« Billy Wilder est l'auteur de ses films, pas la Paramount »,affirme-t-il dans le long entretien reproduit ici). Marqué par ses origines européennes, par sa formation en photo, mais aussi par l'approche documentaire de ses débuts et par sa découverte du grand cinéma muet, Fred Zinnemann fait ses armes dans le court métrage puis la série B dans les années 1930 et 1940. Puis, il s'affirme comme un réalisateur majeur, avec les succès de "La Septième Croix" (1944), "Le train sifflera trois fois" (1952), "Tant qu'il y aura des hommes" (1953) et "Au risque de se perdre" (1959), où il remet en question les notions de courage et d'héroïsme. Par la suite, les mutations du cinéma hollywoodien rendent sa carrière chaotique, notamment avec l'inachèvement d'une adaptation de "La Condition humaine de Malraux", mais il rebondit avec la réussite d'autres productions ambitieuses ("Un homme pour l'éternité", "Chacal"), avant de terminer par deux films personnels qui le ramènent à une jeunesse perdue : celle de la lutte contre la montée du fascisme dans "Julia" (1977), puis celle des« films de montagne » européens de l'entre-deux-guerres dans l'élégiaque "Cinq Jours, ce printemps-là" (1982). Forgé par le système des studios à la période classique, mais toujours prêt à se battre pour imposer ses vues, peintre d'inoubliables antihéros, Zinnemann fut un sceptique à Hollywood. Sommaire. Quelques pistes pour redécouvrir Zinnemann. Entretien avec Fred Zinnemann : « L’esprit humain l’emportera toujours ». Un maître qui vient d’Allemagne… Une « Zinnemann touch » ? De la visualisation primordiale. La deuxième guerre. Les hommes blessés de Frederick Zinnemann. Tension et attention. Fred Zinnemann et les Method actors des fifties. "Au risque de se perdre", de Fred Zinnemann. Vers la solitude.