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Des initiatives solidaires

Pratiques, socialisations et dispositifs d’apprentissage
01 janvier 2024
Numéros de page :
131 p. / p. 4-135 :
La solidarité n’est certes pas une thématique nouvelle, mais les modalités récentes de son expression méritent néanmoins d’être questionnées. Au cours de ces dernières années, diverses initiatives et pratiques solidaires ont vu le jour dans un contexte politique et social pourtant peu favorable. Ce contexte est en effet largement dominé par une idéologie néolibérale qui incite davantage à la satisfaction des intérêts égoïstes et à la mise à l’écart des personnes les plus vulnérables (migrants, allocataires sociaux, etc.). L’épisode de crise pandémique aurait en outre pu avoir pour effet pervers le repli sur soi, ce qui ne s’est pourtant pas vérifié en toutes situations, des actions solidaires émergeant ça et là face à des gouvernants dépassés, sollicitant même plus de solidarité entre les citoyens. Ce numéro présente des regards et analyses multidisciplinaires qui rendent compte de reconfigurations plurielles de la solidarité, contribuant ainsi à dessiner les contours d’une grammaire contemporaine. Ces figures prennent la forme d’un combat citoyen ou professionnel, d’un engagement au service des plus vulnérables, d’une préoccupation pédagogique ou encore d’une volonté de penser le lien à l’autre et de faire communauté, soutenant de fait le vivre ensemble.
Note Contenu : Des solidarités face à la liquidation : que s’est-il passé à Givet ? Jérémy Ollivier, p. 21-28 Cet article propose de réfléchir à la relation entre l’attachement à un lieu et la violence, à partir de l’expérience de la lutte sociale des ouvriers de l’usine Cellatex en 2000, à Givet, une ville située dans les Ardennes françaises. Face à la brutalité de la liquidation économique et de la perte d’emploi, la défense d’un lieu signifie le maintien mais aussi la réinvention d’un ensemble complexe de solidarités. Le collectif se (re)construit alors au travers de la réappropriation des espaces de travail, mais aussi paradoxalement par la mise en scène de la menace retournée contre l’usine et son environnement. Nous réfléchirons tout d’abord à l’expérience de la liquidation, qui met directement en danger le collectif de travail, puis nous mesurerons les différentes dimensions et les effets de la menace brandie par le collectif en lutte contre la perte du lieu de production. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Quelle communauté dans la solidarité ? Étienne Helmer, p. 29-38 La solidarité dans les pays dits riches se manifeste sous deux formes principales. Il y a d’un côté la solidarité ponctuelle, convoquée à l’occasion d’un évènement catastrophique ou d’une cause médiatisée requérant des fonds et des bénévoles le temps d’une campagne ; et de l’autre côté la solidarité de long terme, qui va du don occasionnel mais répété que je fais au mendiant que je croise sur mon trajet quotidien, à l’engagement régulier dans une association à but caritatif. On attribue souvent ces deux formes de solidarité à un partage entre motivation émotionnelle d’une part et motivation raisonnée d’autre part. À partir de la critique d’un tel partage, on montrera que c’est davantage l’idée de ce qui nous est commun ou non avec les destinataires de ces pratiques qui distingue les formes et surtout les motivations de la solidarité. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- La solidarité est-elle au fondement de l’apprentissage infirmier, Christine Grard, Channel Baquet, Lynca Erica Mugisha, p. 39-47 Ce texte se base sur des constats et des verbatims recueillis lors d’une recherche ethnographique questionnant la pérennisation de la profession infirmière à partir des vécus des stagiaires en soins infirmiers. Il raconte comment les étudiants et les soignants subissent et interrogent les logiques qui donnent priorité à la marchandisation des soins plutôt qu’à la solidarité, au social et à l’humain. Il développe également comment la solidarité, quoique que de plus en plus mise à mal par les transformations qui touchent les milieux du travail et de l’éducation, se retrouve au coeur des pistes sociopolitiques suggérées par les acteurs rencontrés pour penser des soins de qualité, des conditions de travail et de formation épanouissantes, ainsi qu’une société qui met en avant le care et la transmission. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Hyperresponsabilité et entropie. Le risque de l’effondrement, Cédric Juliens, p. 48-53 Pour comprendre l’épuisement des soignants, et la charge mentale qu’ils assument dans nos systèmes de solidarité, je propose de déplier plusieurs concepts. Tout d’abord celui de « solidarité », un ciment social fondé sur des mécanismes de redevabilité et de dettes partagées – la solidarité, c’est souvent un don qui attend un « contre-don ». Ensuite, une réflexion sur l’entropie, cette perte d’énergie libérée lors des échanges et qu’il convient de compenser par de nouveaux apports si l’on veut que le système se maintienne. Mais comment maintenir l’équilibre dans un système où la demande d’aide est infinie et l’énergie des soignants limitée ? Peut-être faudrait- il repenser notre modèle de soins calqué sur celui de la croissance infinie ? En effet, l’écologie nous apprend que si un système veut survivre, il ne conservera sa robustesse qu’en étant moins performant et plus diversifié. -----------------------------------------------------------------------