C'est avec le titre Enigma fortuna que l'ensemble La Fonte Musica, dirigé par Michele Pasotti, entend mettre en lumière la personnalité mystérieuse et excentrique du compositeur abruzzais Antonio Zacara da Teramo (1355-1416). Contemporain de Boccace, de Donatello et de Brunelleschi, ce compositeur pourrait presque être assimilé à une sorte de Jérôme Bosch musical tant les textes qu'il met en musique convoquent un "univers à l'envers" où l'obscène, l'imaginaire et le grotesque gambadent main dans la main. "Me comprenne qui pourra, car je me comprends" écrit-il dans sa ballata Amor ne tossa, annonçant la fierté des artistes romantiques avec 400 ans d'avance. Avec cet enregistrement de 4 CDs présentant en première mondiale l'oeuvre de Zacara, c'est une première tentative de compréhension que l'ensemble Fonte Musica nous propose. Et avec celle-ci, à travers le caractère intemporel de l'art, la compréhension d'une époque dite "renaissante" qui paraît autant "à l'envers" que la nôtre.

Si Händel est connu du grand public pour ses pièces chorales et orchestrales à grande échelle, son ouvre pour orgue est tout aussi précieuse. C'est le duc de Saxe-Weissenfels qui, le détournant d'une carrière dans le droit, repère ses aptitudes exceptionnelles sur cet instrument. ? 17 ans, il était déjà l'organiste attitré de la Domkirche de Halle ; il bat Domenico Scarlatti à un concours de virtuosité lors de son séjour à Rome. Martin Haselbvck et l'orchestre de la Wiener Akademie ont enregistré les concertos pour orgue Op.4 & 7 dans le prestigieux Musikverein de Vienne, mondialement réputé pour son acoustique. Haselbvck joue sur l'imposant orgue Rieger de la salle et signe un des tous premiers enregistrements sur cet instrument. Inauguré en 2011, c'est le quatrième orgue du Musikverein depuis son ouverture en 1870. Avec ses proportions bien plus grandes que celles des orgues sur lesquels Händel avait l'habitude de jouer, cet instrument offre une palette sonore riche en contrastes.

Corniste au sein de l'Orchestre Philharmonique de Berlin depuis 2001, Sarah Willis est une infatigable ambassadrice de son instrument dont elle défend les couleurs dans le monde entier. Elle lance en 2014 Sarah's Music, un programme télé où des personnalités présentent la musique avec chaleur, dans toute sa diversité. Lorsqu'elle se rend à Cuba pour donner une master class, Sarah Willis est profondément marquée par les musiciens qu'elle y rencontre et fonde l'ensemble Havana Horns. L'album Mozart y mambo réunit la musique de Mozart et le répertoire traditionnel cubain. Accompagnée du Havana Lyceum Orchestra et de son chef José Antonio Méndez Padrón, elle présente des oeuvres de Mozart pour cor et orchestre ainsi qu'un Rondo alla mambo, une Sarahnade mambo, une Petite musique de nuit cubaine... Quelques célébrités locales, parmi lesquelles le Buena Vista Social Club, participent à cet enregistrement qui rend hommage au répertoire cubain.

Après l'enregistrement chez Alpha des sonates pour violon de Prokofiev, Ravel et Strauss, le violoniste Tobias Feldmann se consacre dans ce disque à la forme du concerto, interprétant deux oeuvres majeures et exclusives du répertoire finlandais : les concertos pour violon et orchestre de Jean Sibelius et Einojuhani Rautavaara. Créé en 1904 à Helsinki, le Concerto pour violon de Jean Sibelius se révèla d'une grande difficulté technique pour la partie soliste. Sibelius révisa sa partition, mais ne composa plus pour violon et orchestre que sous des formes plus courtes, celles de la sérénade ou de l'humoresque. Il faudra attendre près de soixante-dix ans pour qu'une nouvelle oeuvre majeure pour violon et orchestre voit le jour sous la plume d'un compositeur finlandais, avec le Concerto de Rautavaara, dont la virtuosité égale en tout point celle exigée par l'oeuvre de son aîné.

La Covid a provoqué l'annulation des représentations de Pelléas et Mélisande à l'Opéra National de Bordeaux, qui s'est rapproché d'Alpha afin de procéder à l'enregistrement audio de ce chef-d'oeuvre. Une nouvelle version inattendue, avec une distribution exceptionnelle et un jeune chef, Pierre Dumoussaud, dont c'est en train de devenir l'ouvre fétiche puisqu'il la dirige sur de nombreuses scènes. "Sa direction n'appelle que des éloges, trouvant un bel équilibre entre clarté analytique et vie théâtrale, tout en faisant ressortir l'extraordinaire modernité de cette musique entêtante", écrit Christian Merlin dans Le Figaro, à propos d'une de ses performances scéniques.

Reinoud Van Mechelen et son ensemble A Nocte Temporis poursuivent leur "Trilogie Haute-Contre" avec le favori de Rameau, Pierre de Jéliote, probablement le plus grand haute-contre de l'histoire, voix de ténor aigue qu'il ne faut pas confondre avec le contreténor ! Rameau a énormément écrit pour Jéliote, qui n'était pas seulement chanteur mais également guitariste, violoncelliste et même compositeur... Cet album rend hommage à ce Béarnais né en 1713 et mort à l'âge canonique de 84 ans, avec un florilège d'airs de Rameau (Hippolyte et Aricie, Les Fêtes d'Hébé, Platée, Castor et Pollux, Les Boréades), mais aussi de Dauvergne, Colin de Blamont, Mondonville, Rebel et Francoeur... certains très connus, d'autres beaucoup plus rarement joués de nos jours.

Il n'est pas que le musicien de Fellini (La strada etc.), de René Clément ou de King Vidor. Nino Rota est un des grands compositeurs du Xxe siècle. Enfant prodige, il a étudié en Amérique avec Fritz Reiner, croisé Toscanini et Igor Stravinsky. Èric Le Sage, Emmanuel Pahud, Paul Meyer, Daishin Kashimoto, Aurélien Pascal et leurs partenaires du festival de Salon de Provence rendent hommage à sa musique, avec sa Petite Offrande musicale, composée en 1943 à l'âge de 22 ans, un Nonette et un Trio pour flûte, violon et piano qu'il écrit à la fin des années 50. Le Trio pour clarinette, violoncelle et piano (1973) appartient à la dernière période créative de Rota et il a toutes les caractéristiques des ouvres de la maturité.

Max Bruch a 80 ans lorsqu'il décide, en 1918, de se tourner vers la musique de chambre de ses premières années. Stimulé par le violoniste virtuose Willy Hess, il compose alors ces quintettes et octuor à cordes, véritables monuments érigés à la gloire de la beauté et de l'harmonie, au terme d'une vie personnelle tumultueuse et au beau milieu d'un monde occidental au bord du gouffre. Après un album consacré à la musique de chambre de Beethoven, la section chambriste du WDR Sinfonieorchester se mesure à présent à un des derniers chapitres de la musique romantique allemande, avec des pièces qui constituent le chant du cygne de Bruch.

La Suite hébraïque d'Ernest Bloch est le point de départ de ce programme : "Cette musique a été une révélation pour nous. Son langage est bouleversant et raconte le XXe siècle déchiré... Les autres compositeurs présents dans ce programme (Ravel, Bloch, Bruch, Prokofiev, Chostakovitch), ont vécu chacun à leur manière de plein fouet ce siècle tourmenté et ont puisé dans un répertoire populaire et sacré, s'inspirant de ce qu'il avait de plus intemporel et universel pour mieux répondre à sa brutalité", disent l'altiste Arnaud Thorette et le pianiste Johan Farjot, les concepteurs de ce programme, ce dernier ayant aussi arrangé la fameuse Liste de Schindler de John Williams pour alto et violoncelle... Un programme intense et poignant, incarné par les merveilleux artistes que sont également Antoine Pierlot (violoncelle), Pierre Génisson (clarinette), Karine Deshayes (mezzo-soprano), Sarah et Deborah Nemtanu (violon).

Une étude sur le rapport de l'homme aux images, analysant les processus physiques et psychologiques de la perception à la lumière des neurosciences. L'auteur s'attache à définir le concept d'image et se penche sur ses liens avec la mémoire, l'émotion, le désir et la nouveauté. ©Electre 2022

Un décryptage de l'obsession moderne pour tout ce qui est mignon, des personnages de dessin animé aux yeux démesurés aux vidéos de chatons en passant par les voitures semblant sourire. L'auteur montre que cette fascination n'est pas un exutoire à l'horreur du monde, mais une manière d'y être encore plus enchaîné et une manifestation paradoxale des désirs de violence et de destruction. ©Electre 2022

Reconnu pour sa programmation novatrice et pour ses arrangements uniques du répertoire classique, collectif9 aborde ici la musique de Debussy, après un premier enregistrement consacré à Mahler. Clair de lune, La Mer, Des pas sur la neige, le collectif de Montréal nous invite à un magnifique théâtre d'ombres et de vagues.

Pour gagner la guerre contre les dérèglements climatiques, des sacrifices sont nécessaires, à commencer par l'application du principe pollueur-payeur. Spécialiste de l'économie de l'environnement, l'auteur s'interroge sur la capacité des sociétés contemporaines à relever le défi climatique. ©Electre 2022

Une exploration de la face cachée du capitalisme mondialisé à travers l'étude des frontières poreuses entre les économies légale et criminelle. L'auteure aborde notamment l'évolution des principaux marchés illégaux, l'infiltration de l'économie légale par la criminalité organisée ou encore les liens entre la mondialisation et l'expansion criminelle. ©Electre 2022

Joachim Du Bellay (1522-1560) entre sur la scène littéraire parisienne en offrant à la future Pléiade le tonitruant et avant-gardiste manifeste "Défense et illustration de la langue française"... Ronsard et Du Bellay sont les grands poètes français du XVIe siècle, mais alors que le premier a été mis en musique des centaines de fois, Du Bellay n'a inspiré qu'une trentaine de compositions... Denis Raisin Dadre et son ensemble Doulce Mémoire célèbrent le poète angevin dont on commémore le 500ème anniversaire, avec des oeuvres des grands compositeurs de l'époque, Arcadelt, qui compose neuf chansons sur ses textes, dont Je ne puis dissimuler un an avant la mort du poète, Lassus, Chardavoine, Verdonck etc. ? cette époque, il était aussi d'usage de déclamer accompagné d'un musicien qui improvisait à lyre, instrument et pratique importés d'Italie (recitare a la lira)... Denis Raisin Dadre a voulu rendre hommage à ces "slameurs" du XVIe siècle en faisant appel à un slameur du XXIe siècle, Kwal qui slamme des sonnets de Du Bellay, dont le célèbre Heureux qui, comme Ulysse.

Après son triomphe dans l'album Offenbach Colorature, Jodie Devos a choisi de partir sur les traces de la soprano colorature Marie Cabel (1827-1885), belge comme elle, qui dès l'âge de 26 ans rencontre un succès phénoménal grâce à l'opéracomique Le Bijou perdu d'Adolphe Adam qu'elle créé à Paris. Elle aborde ensuite un rôle plus dramatique, Jaguarita l'Indienne de Halévy, dont la grande invocation avec choeur ("? moi ma cohorte !") fait mouche au fil des 124 représentations qui s'enchaînent en quelques mois... Cabel collectionne les succès dans Manon Lescaut et La Part du diable d'Auber, L'toile du Nord et Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer, Galathée de Victor Massé, Le Songe d'une nuit d'été d'Ambroise Thomas, qui lui offre en 1866 le rôle le plus important de sa carrière : celui de Philine dans Mignon, d'après Goethe. Avec la complicité des musicologues du Palazzetto Bru Zane qui ont ressuscité et édité toutes ces raretés injustement oubliées, et celle de Pierre Bleuse à la tête du Brussels Philharmonic et du choeur de la radio flamande, Jodie Devos rend hommage à cette étoile du XIXe siècle, avec laquelle elle partage sans nul doute audace et espièglerie !