Lors de la découverte en 1975 du manuscrit contenant l'ouvre d'orgue de Louis Couperin jusqu'alors inconnue, le musicologue américain David Fuller déclara qu'il s'agissait : "de l'une des plus importantes découvertes de l'histoire de la musique pour clavier de ce siècle (... )." Cette précieuse source acquise par le collectionneur britannique Guy Oldham a depuis été éditée pour le grand bonheur des musiciens et du public. Véritable Art de la Fugue à la française, écrite d'octobre 1650 à décembre 1659, l'ouvre d'orgue de Louis Couperin est l'un des corpus les plus qualitatifs du XVIIe siècle français et européen. Pour son cinquième CD chez Ligia, Laurent Beyhurst en donne un nouvel éclairage particulièrement vivant et inspiré, et l'orgue Julien Tribuot (1699) de Seurre, par la noblesse et la profondeur de ses timbres, fait rayonner ces fantaisies et commentaires sur le plain-chant.

Pour son premier disque chez Ligia, Jean-Charles Ablitzer célèbre le 30ème anniversaire de l'orgue Garnier du Temple St-Jean de Belfort par un très bel hommage à l'ole du Nord. C'est dans le contexte calviniste, a priori peu favorable à l'essor de la musique d'orgue, que naît l'ole du Nord. Ses caractéristiques, basées sur une science contrapuntique et une déclamation musicale héritées des Italiens, se transmettent à travers une filiation qui va perdurer jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. En effet, fidèle à sa réputation de "faiseur d'organistes", Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621) communique son art aux musiciens les plus doués de la jeune génération nord-européenne. Ceux qui obtiendront un poste d'organiste en Allemagne du Nord mettront à profit l'enseignement de leur maître tout au long de leur carrière, tout en adaptant leur musique aux exigences de la liturgie luthérienne. Dans leurs compositions et leurs improvisations, ils travailleront aussi à la mise en valeur des fabuleux instruments qui seront érigés dans leurs villes.

Après ces deux disques consacrés aux Symphonies de Widor, justement salués et récompensés par la critique, Olivier Vernet retrouve les grandes orgues Thomas de la cathédrale de Monaco, pour nous présenter deux des plus belles sonates pour orgue d'Alexandre Guilmant. Guilmant représente une figure aussi importante que César Franck dans le renouveau de l'école française d'orgue, tant pour son oeuvre de musicologue dans la période classique française, que pour son travail de compositeur. Travailleur infatigable, il a écrit énormément de musique, tant pour la liturgie que pour les concerts. Guilmant appelait ses grandes pièces pour orgue sonates, et elles sont issues non tant de la tradition française que de la tradition allemande, Bach et Beethoven. En fait, bien que baptisées sonates par son auteur, elles sont en réalité des symphonies pour orgue dont elles suivent la forme et la structure. Olivier Vernet en explore la virtuosité, la profondeur et la poésie avec son souci habituel de respect de la lettre et de l'esprit...

C'est par une succession de sensations semblables éprouvées en jouant la musique de l'un et en lisant les romans de l'autre que Jocelyne Cuiller a ressenti le besoin de mettre en parallèle les oeuvres des deux artistes, Carl Philipp Emanuel Bach et Mishima Yukio. Tous deux parcourent un chemin marqué par l'indépendance par rapport à l'environnement esthétique : ils envisagent la création d'un style nouveau bouleversant complètement le paysage même de leur époque en matière d'art. Ils révèlent ainsi, sous un éclairage indirect, une sensibilité extrême, des sentiments contradictoires ou contrastés, à travers les ressources de l'écriture, littéraire pour Mishima, musicale pour Bach. (Electre)