Michel Déon est professeur titulaire à la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke

Que peut-on et que doit-on faire de la littérature ? C’est la grande question que Zola, devenu le romancier le plus célèbre de son époque, commence sérieusement à se poser alors qu’il rédige le dernier volet des Rougon-Macquart. Cette préoccupation s’impose progressivement à lui en tant que citoyen concerné par les débats de son temps, et notamment par la question sociale qu’il met en scène de manière dramatique dans Germinal et qui ne cessera plus par la suite de l’habiter. Comment remédier à l’injustice, à l’exploitation, au malheur qui frappent de larges masses ? Comment refaire, et sur quelles bases, une nouvelle cohésion sociale qui permette aux hommes de vivre en harmonie par-delà les divisions qui les opposent ? C’est à cette question que Zola s’attaque résolument dans son dernier cycle romanesque, Les Évangiles, qui se présente comme une mise en fiction d’une nouvelle religion de l’humanité, fondée sur la raison et le progrès, croyance nouvelle destinée à répondre aux interrogations des hommes de son temps. À travers ses derniers romans, de facture et de contenu utopistes, l’écrivain renoue avec le romantisme de sa jeunesse et signe ce qui constitue désormais son testament, expression ultime de son désarroi et de ses espérances à l’aube d’un siècle tragique. Jacques Pelletier propose une interprétation inédite de ce cycle romanesque et démontre comment le projet de Zola nous concerne toujours aujourd’hui, malgré la distance qui semble nous en séparer.