Met à nu les jeux de l'écriture d'un écrivain qui a laissé se forger un destin en lui parce qu'il se voulait avant tout le défenseur d'un univers moral, sain et fraternel. Moraliste et créateur, Orwell ne craint pas de manipuler les faits lorsqu'il poursuit un but artistique, et n'hésite pas à polémiquer.

Né en 1935 à Bruxelles, mais installé en Australie, Simon Leys est l'auteur d'une oeuvre célébrée, des Habits neufs du Président Mao aux Naufragés du Batavia en passant par Protée et autres essais (Prix Renaudot 2001), sans oublier La Mort de Napoléon.

Philosophe, Jacques Dewitte est né en 1946. Il est l'auteur d'une oeuvre considérable qui s'est jusqu'à présent élaborée dans des revues comme Les Temps modernes, Esprit, Critique, Commentaire, La Revue du Mauss ou Le Messager européen. Ses articles très remarqués, sur la question du mal, du nihilisme, du vivant ou encore sur l'architecture urbaine et le paysage, lui valent d'être considéré comme l'un des penseurs les plus singuliers de sa génération. Il vit actuellement à Berlin. Le Pouvoir de la langue et la liberté de l'esprit est son premier livre.

Numéro issu d'un colloque consacré à George Orwell à Lille en mars 2010. Les contributions portent sur les grandes lignes de son engagement littéraire au coeur duquel coexistent critique sociale et politique, associé à une vision du monde portée par la tradition du socialisme révolutionnaire.

Né en 1935 à Bruxelles, Simon Leys vit aujourd'hui en Australie. Sinologue, traducteur, essayiste, romancier, il est l'auteur d'une oeuvre célébrée, comprenant quelque dix-sept ouvrages, dont Les Habits neufs du Président Mao (1971), charge anti-maoïste qui le révéla, Protée et autres essais (2001, Prix Renaudot), La Mer dans la littérature française (2003) ou encore Le Studio de l'inutilité (Champs n° 1110).

L'inventeur de Big Brother et de la notion de décence commune, c'est lui. Génie de l'anticipation (1984) et de l'allégorie (La Ferme des animaux), le Britannique George Orwell fut également un grand styliste et un penseur lucide : à la fois antifasciste et antistalinien, il chercha toute sa vie à trouver, dans ses essais comme dans ses romans, la juste mesure entre engagement et rigueur, socialisme et humanisme.

Il est admis que 1984 et La Ferme des animaux d'Orwell permettent de penser les dictatures du XXe siècle. Je pose l'hypothèse qu'ils permettent également de concevoir les dictatures de toujours. Comment instaurer aujourd'hui une dictature d'un type nouveau ? J'ai pour ce faire dégagé sept pistes : détruire la liberté ; appauvrir la langue ; abolir la vérité ; supprimer l'histoire ; nier la nature ; propager la haine ; aspirer à l'Empire. Chacun de ces temps est composé de moments particuliers. Pour détruire la liberté, il faut : assurer une surveillance perpétuelle ; ruiner la vie personnelle ; supprimer la solitude ; se réjouir des fêtes obligatoires ; uniformiser l'opinion ; dénoncer le crime par la pensée. Pour appauvrir la langue, il faut : pratiquer une langue nouvelle ; utiliser le double langage ; détruire des mots ; oraliser la langue ; parler une langue unique ; supprimer les classiques. Pour abolir la vérité, il faut : enseigner l'idéologie ; instrumentaliser la presse ; propager de fausses nouvelles ; produire le réel. Pour supprimer l'histoire, il faut : effacer le passé ; réécrire l'histoire ; inventer la mémoire ; détruire les livres ; industrialiser la littérature. Pour nier la nature, il faut : détruire la pulsion de vie ; organiser la frustration sexuelle ; hygiéniser la vie ; procréer médicalement. Pour propager la haine, il faut : se créer un ennemi ; fomenter des guerres ; psychiatriser la pensée critique ; achever le dernier homme. Pour aspirer à l'Empire, il faut : formater les enfants ; administrer l'opposition ; gouverner avec les élites ; asservir grâce au progrès ; dissimuler le pouvoir. Qui dira que nous n'y sommes pas ? M.O.