L'entreprise américaine mandatée pour conseiller la France dans sa campagne de vaccination s'est retrouvée sous le feu des projecteurs et des critiques. Mais c'est depuis bien longtemps que la "Firme" tisse la toile de son influence au plus haut niveau des multinationales, de l'Etat et des partis politiques. En particulier dans la Macronie. Enquête.

La révélation, début janvier, a mis le gouvernement sur la défensive : afin de l’accompagner dans sa stratégie vaccinale, le ministère de la santé a fait appel à quatre cabinets de conseil. Dont McKinsey. La très opaque société américaine est bien connue des cercles du pouvoir. Elle a accompagné Emmanuel Macron de la commission Attali à la rédaction de son programme présidentiel. Et intervenait déjà dans des dossiers sensibles sous Nicolas Sarkozy. Santé, défense, immigration...

Le cabinet de conseils américain McKinsey a dû régler 574 millions de dollars en 2021 suite aux procès qui ont été intentés à son encontre par 49 Etats américains en raison de ses conseils apportés au laboratoire Purdue Pharma, aujourd'hui synonyme de crise des opiacés aux Etats-Unis. Cette somme est sans précédent dans le secteur du conseil qui ne reçoit généralement aucun blâme pour la façon dont ses conseils sont utilisés. Après ce scandale, le cabinet va devoir se remettre en cause et revoir toute sa culture d'entreprise. Explications. Peu de chiffres.

Souvent consultés par leurs clients pour recevoir des conseils en matière de RSE (responsabilité sociale des entreprises), les cabinets de conseil s'engagent-ils eux-mêmes dans cette voie ? Selon une étude de Syntec Conseil, l'organisme qui rassemble les entreprises de conseil en France, 60 % d'entre elles ont lancé la réflexion sur cette problématique, mais moins de 10 % s'intéressent au concept de "société à mission". Quelques grandes pistes tendent toutefois à devenir concrètes au sein des cabinets : réduction des émissions carbone, de la consommation d'énergie, du gaspillage...

Elles sont aussi influentes que discrètes. Capgemini, Boston Consulting Group... Les grandes entreprises de conseil sont de plus en plus sollicitées par les pouvoirs publics pour pallier leur manque d'efficacité supposé. Prônant la flexibilité, de jeunes consultants aux anglicismes assumés se frayent un chemin jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat. Interrogé sur le rôle du cabinet McKinsey dans la campagne vaccinale contre le Covid-19 en France, le ministre de la Santé assure qu'il «est tout à fait classique et cohérent de s'appuyer sur l'expertise du secteur privé».

Auditionnés au Sénat, les dirigeants de McKinsey en France n'ont pas réussi à dissiper ni les soupçons concernant la réelle utilité des coûteuses missions qu'ils exercent pour le compte de l'Etat, ni les interrogations relatives à leur influence démesurée auprès du pouvoir politique.

Organisation de conseil à but non-lucratif, le cabinet de conseil Bridgespan a aidé MacKenzie Scott, la milliardaire philanthrope (anciennement mariée à Jeff Bezos, patron d’Amazon) à donner généreusement à des organisations caritatives en première ligne pendant la pandémie de Covid-19. Il a deux secteurs d'activité principaux : il conseille les riches donateurs et aide également les groupes à but non lucratif à fonctionner plus efficacement. Mais l'entreprise est entourée de mystère et son histoire est, en partie, celle du philanthropie-capitalisme.

L'ex-déléguée interministérielle à l'intelligence économique réfute l'idée que l'Etat manque de compétences en interne.

Comme souvent, un fil dépasse de la pelote, quelqu'un le tire, et d'autres questions se posent, de nouveaux problèmes surgissent, des faits inédits remontent et des explications supplémentaires s'imposent.

Face à des problèmes inédits, il n’est pas anormal que les administrations aient recours à leurs services.