Comment peut-on survivre à l’enfer de la clandestinité et de la fuite lorsqu’on a 10 et 15 ans, et que, venus du Bénin, on se retrouve en Belgique, sans papiers, et sous l’emprise des passeurs ? Tori et Lokita, les héros fragiles de leur nouveau film, donnent à Jean-Pierre et Luc Dardenne une matière à récit aussi documentée et réaliste que bouleversante.

Ce n'est pas la première fois que les frères Dardenne traitent du sort réservé aux immigrés ("Le Silence de Lorna" en 2008, "La Fille inconnue" en 2016). Ici, la réalité de notre époque apparaît encore plus rude, leur exploitation devient une norme sociale effrayante et leur humanité est foulée aux pieds avec une violence frontale, âpre et cruelle, qui ne desserre jamais son étau.

C'est toujours un plaisir doublé d'une leçon de mise en scène que de retrouver les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne pour évoquer leur dernier film. Avec "Tori et Lokita", ils abordent une nouvelle fois le motif de la fratrie. Après "Le Silence de Lorna" (2008), ils réussissent leur deuxième incursion dans le polar, un genre ultra-codé qu'ils adaptent ici aux dimensions d'un conte cruel à hauteur d'enfants piégés dans les rets d'une mafia.