A la parution de ce numéro, plus de quarante nouveaux spectacles auront commencé dans la seule région parisienne. Pourquoi alors écrire sur Jean La Chance de Bertolt Brecht, mis en scène par François Orsoni, au Théâtre de la Bastille et Le Corps furieux de Jean-Michel Rabeux à la MC 93 de Bobigny ? Parce que ces ceux créations, entre autres, marquaient le début de la seconde rentrée théâtrale, plus dense encore que celle de l'automne

Dès le début de l'été, la vie théâtrale se déplace vers les nombreux festivals ; parmi les établissements publics, seule la Comédie-Française poursuit son activité dans la salle Richelieu et, au rythme de l'alternance, offre la possibilité de voir, outre deux reprises, deux pièces récemment entrées au répertoire : ℗ Agamemnon ® de Sénèque, mis en scène par Denis Marleau, ℗ L'Opéra de quat'sous ® de Bertolt Brecht et Kurt Weill, par Laurent Pelly.

« Tartuffe » de Molière par Eric Lacascade aux Gémeaux de Sceaux, « La Mouette » d'après Anton Tchekhov par Mikaël Serre au Nouveau Théâtre de Montreuil, « L'Opéra de quat'sous » de Bertolt Brecht et Kurt Weill par Laurent Fréchuret au Centre dramatique national de Sartrouville : ces trois spectacles actuellement joués en région parisienne, représentés dans de longues tournées, témoignent assez bien de la programmation des centres dramatiques et des scènes nationales, de la vie théâtrale sur l'ensemble du territoire

Sur les quatorze ans de son exil, Brecht en a passé un peu plus de six aux Etats-Unis. Parti de Finlande, il y est arrivé à l'été 1941 par la voie risquée d'une traversée de l'URSS, juste avant l'invasion allemande, il quitte l'Amérique en octobre 1947, cette fois en prenant précipitamment l'avion de Paris, après avoir dû passer devant une commission d'enquête du Sénat qui le soupçonne de sympathies communistes. Entre ces deux dates, il a surtout vécu à Santa Monica, près de Los Angeles ; la Californie était moins chère que New York et on pouvait tenter d'y travailler pour le cinéma.

Avant de nous engloutir dans les arcanes brechtiens, il nous faut émerger de la stupeur que nous avons ressentie à la fin de cette lecture...

Ils n'appartiennent pas à la même génération ; ils créent des spectacles fort différents ; mais ils veulent tous deux se faire "contemporains" des pièces du passé qu'ils mettent en scène, "contemporains" au sens de Giorgio Agamben : Christian Benedetti monte "Trois soeurs d'Anton Tchekhov" au Théâtre Studio d'Alfortville, Jean Bellorini "La Bonne Ame du Set Chouan" de Bertolt Brecht aux ateliers Berthier de l'Odéon.

De ses années d'exil, à partir de 1933, à sa disparition prématurée, en 1956, Bertolt Brecht n'a cessé de retravailler certaines de ses oeuvres. La reprise par Jean-François Sivadier de "La Vie de Galilée" au Montfort Théâtre et une nouvelle publication par les éditions de l'Arche de "L'ABC de la guerre" donnent l'occasion de se le rappeler opportunément, par-delà les idées reçues et les jugements convenus.

Pour diverses raisons, "L'Opéra de quat'sous", de Bertolt Brecht et Kurt Weill en collaboration avec Elisabeth Hauptmann, devait être, à la Felsenreitschule, un événement majeur dans la programmation théâtrale du Festival de Salzbourg 2015. Mais ce qui est appelé "Mackie Messer Eine Salzburger Dreigroschenoper" ("Mackie-le-surineur Un opéra de quat 'sous salzbourgeois"), présenté comme "version expérimentale unique", dans l'adaptation musicale de Martin Lowe, mise en scène par Julian Crouch et Sven-Eric Bechtolf, n'a pas vraiment répondu à l'attente suscitée.

Quand la même pièce est jouée dans deux mises en scène différentes au même moment, l'une des deux escamote forcément l'autre.