Debussy tenait du dieu Pan de transformer par une sorte d'alchimie les sensations en sonorités allusives. L'homme et sa musique demeurent aujourd'hui aussi fascinants qu'il y a un siècle. Portrait.

″On ne saura jamais combien ma musique est différente de l'opinion que l'on peut en avoir. Si je n'étais pas un peu dédaigneux, je pourrais souffrir en voyant qu'on me spécialise pour empêcher d'autant l'action que j'aurais voulu exercer sur la musique.″

A l'Opéra Bastille, Robert Wilson met en scène ″Pelléas et Mélisande″, la pièce onirique de Maurice Maerterkinck adaptée par Debussy.

A laisser patiemment creuser en soi les chemins de la musique de Claude Debussy, dont on célèbre en 2018 le centième anniversaire de sa mort, et ceux des fragments du philosophe grec du VIème siècle avant Jésus-Christ, on se surprend à entendre des harmoniques qui s'accordent et suggèrent une parenté d'esprit, un air de famille.

Il est peut-être le plus français de nos compositeurs, mais aussi, par son langage épris de liberté, le plus universel - et le plus actuel, bien qu'il se soit éteint il y a tout juste un siècle, le 25 mars 1918. Pour célébrer comme il se doit cet anniversaire, Denis Herlin, grand spécialiste de son oeuvre, a reconstitué la trajectoire du créateur, depuis les années d'apprentissage jusqu'aux chefs-d'oeuvre de la maturité. Pas à pas, suivons donc le génie Debussy, dans la quête qui inlassablement guida son existence : "De la musique avant toute chose", comme aurait dit son cher Verlaine.

Une vraie singularité se voit souvent isolée derrière un rempart d'idées reçues. Plus insaisissables que les autres arts, musique et poésie fin de siècle seront victimes d'étiquetages confortables : art bourgeois (Massenet), poses hermétiques (Mallarmé), remous des querelles nationalistes (Wagner)... Comment Claude-Achille Debussy (1862-1918) aurait-il pu échapper à ces clichés ou aux contresens qu'ils entraînent ?

Ce jour-là : date la dernière lettre de Debussy. Cette missive d'une dizaine de lignes adressée au président Alfred Croiset, l'une des 2 588 lettres du compositeur répertoriées par François Lesure, avait été rédigée, en vérité, par Emma, sa seconde épouse, laquelle avait même cru bon d'imiter la signature de son mari moribond...