« Ce siècle est à la barre et je suis son témoin. » Ce vers de Victor Hugo résume parfaitement le choix de textes établi par Claude Roy. L'épopée de l'Empire, les révolutions de 1830 et 1848, le coup d'État de Napoléon III, la Commune, la naissance de la civilisation industrielle... Ces événements tragiques ou chargés d'espoir, Hugo les a vécus en protagoniste engagé mais aussi en «reporter» d'une objectivité passionnée. «Il n'est pas un événement de son temps, écrit Claude Roy, où il n'ait fait, au moins, acte de présence, quand il n'y a pas inscrit la présence de ses actes. Il est à la fois à la tribune des assemblées et sur le pavé des émeutes... Il note les propos des rois ou de Lamartine, les saillies de Gavroche ou les rumeurs du trottoir... » A travers Les châtiments, L'année terrible, Carnets intimes, etc., Claude Roy nous fait découvrir que le grand poète visionnaire fut aussi un journaliste de génie.

Il s'agit ici des trois grands poètes du romantisme, envisagés comme créateurs et propagateurs de pensées. On y trouvera ce qu'on peut appeler la religion ou la foi de chacun d'eux, telle que la proposaient à leurs contemporains, dans la ruine des croyances traditionnelles, Lamartine, Vigny, Hugo. On ne peut séparer cette foi de leur poésie sans contredire leur vœu profond et légitime. Les drames et les problèmes de la société issue de la Révolution furent, en même temps que ceux de la condition humaine, la matière de leur œuvre. On trouvera en eux trois un fonds d'espérances et de prophéties communes, en même temps qu'une vision du monde propre à chacun d'eux. Ils attestent le caractère profondément antidogmatique qui domine la vaste quête spirituelle qui marque leur époque. Ils tentent, chacun à sa façon,à travers une invention foisonnante de fables et de symboles nouveaux, l'esquisse d'un credo futur de l'humanité. Les dernières générations n'ont dédaigné la richesse de cette pensée que par prévention antihumaniste ou par étroitesse esthétisante. Paul Bénichou cherche ici à retrouver dans le romantisme ce qu'il fut dans ses grands créateurs : un moment d'espoir, de résurrection et de métamorphose après le plus grand cataclysme humain que l'Europe eût jusque-là connu. C'est la grandeur du romantisme d'avoir élargi à cette mesure et élevé à ce niveau ce qu'on appelle trop mesquinement la poésie lyrique.

A travers 43 peintures en couleurs et des poèmes, nous allons voir et entendre les inventions d'un homme en qui crèvent les nuages, où les orages intérieurs effacent les frontières.