Dans «L'institution de la liberté », Muriel Fabre-Magnan critique la volonté de faire reconnaître par le droit certaines pratiques individuelles. Entretien.

Euthanasie, Covid, riches... Le philosophe, qui publie « La Clé des champs » (PUF), défend une vision libérale.

« L’homme est un loup pour l’homme », écrivait Thomas Hobbes. Dans son sillage, beaucoup voient dans l’humain le plus égoïste et cruel des habitants de notre planète. Pourtant, cette image est fausse ; c’est une des grandes découvertes scientifiques récentes. L’empathie est un de nos instincts les plus archaïques. Nos ancêtres lointains aimaient coopérer. Dès sa première année, le bébé manifeste l’intention de consoler un adulte qui a de la peine. Nous ne sommes pas des « Homo œconomicus » mus par le seul intérêt.

La fraternité désigne les cercles les plus fermés, les plus combatifs, comme ceux qui sont les plus ouverts ou les plus pacifiques. Après avoir connu un bref âge d’or lors de la révolution de 1848 en France pendant laquelle fut consacrée la devise républicaine, elle connaît une éclipse. Trop irénique pour certains, trop familiale et biologique pour d’autres, la fraternité devient désuète, voire suspecte. Alexandre de Vitry s’interroge sur les conditions de son retour au XXIe siècle, alors que partout les anciennes solidarités se dégradent.

Chez Ricœur, il faut distinguer l’identité de la personne, qui réside dans le maintien éthique de la parole donnée, et l’identification du personnage, qui se construit dans le récit. C’est la trace qui permet la suture entre les deux registres.

Au travail ou dans la rue s’expriment de multiples formes de mécontentement. Plutôt qu’une montée de l’individualisme, on peut y voir le symptôme d’un étiolement du politique et une invitation à s’interroger : comment et avec qui voulons-nous faire société ?

Les humains sont-ils nés pour l’entraide et la coopération, ou sont-ils égoïstes et prédisposés aux conflits ? On a mis en évidence que dès 18 mois, les enfants manifestaient des comportements spontanés d’entraide. Notre cerveau serait ainsi configuré pour coopérer. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, comment notre ancêtre 'Homo sapiens' aurait-il survécu ? Mais alors, pourquoi l’actualité internationale ne nous montre-t-elle qu’une accumulation de conflits et de violences ? Le dossier de ce numéro lève un coin du voile sur cet apparent paradoxe. Sommaire. L’humain, champion de l’entraide.